samedi 18 décembre 2010

QU'Y SUIS-je?

I JE SUIS UN PASSE

Pourquoi M'évaluer à cette aune ? Le passéisme n'est-il pas déchu ? Pour être fidèle à ce que j'ai dit que l'anorexique était un incurable du passé, qu'à cela ne tienne! Car en cela au moins, l'anorexique est d'accord avec la nature : la nature a horreur du vide et le passé l'a rempli. L'anorexique est un trauma traumatisé. Il traumatise avec son incurabilité d'un passé dont il ne veut pas se délester, se démarquer, s'amnésier, s'anesthésier, car c'est son rempart contre la mort. L'anorexique traumatise avec son culte du passé parcequ'il donne l'impression qu'il ne va jamais le pardonner. Le passé est un rempart contre la mort. N'y a-t-il pas qu'un pur paradoxe à énoncer que le passé protège de la mort quand tout ce qui est passé est mort ? Le passé n'est-il pas aussi mort qu'anachronique le passéisme ? Sondons mieux….

1. Le passé est parfait.

Ainsi l'appelait-on en latin et ce terme ne désignait qu'une action qui était achevée, accomplie. Tout ce qui est acompli serait-il parfait ? On ne peut le soutenir que si l'on pense que "tout est accompli", même l'inachevé, dans sa vulnérabilité cinglante et si touchante. On ne peut soutenir que tout ce qui est accompli est parfait que si, dans le même temps, on ne donne pas une foi exclusive au règne de l'action. Et que dire de l'imparfait, le temps de l'habitude qui est une seconde nature" et de la routine qui est à la route ce que la barbotine est à la céramique. L'habitude dénature la singularité inérente à l'événement et l'imparfait est un des temps de l'inachevé. L'événement peut être une épreuve, mais l'épreuve elle-même nous parachève. L'épreuve peut nous achever, mais cet achèvement est encore un accomplissement. Ce n'est pas que la perfection soit à rechercher dans l'achèvement, car tout ce qui violente appartient à la nuit, et la nuit n'est pas dans la lumière, et la mort est une absence d'issue qui ouvre une voie sans issue. On n'est libéré par la mort de personne, à moins que celui qui meurt ait décidé de rendre son dernier souffle à l'atmosphère en donnant à la fois, à celui qui le pleure et qu'il a aimé, de l'air et de la présence, de la présence et de l'air ! Une telle mort est un engagement, mais en dehors d'un pareil engagement, il ne faut pas chercher de perfection dans l'achèvement. Mais alors, en quoi ce qui est accomplit est-il parfait ?

2. C'est que notre sort est marqué dans les étoiles, c'est-à-dire dans notre passé, pas dans l'avenir... On n'y pense pas, mais les années-lumières que mettent les étoiles à nous parvenir, à s'offrir à notre admirative ostension, à se montrer à nous, ne signifient pas que notre destin serait gravé dans l'avenir comme par magie et de façon à nous apporter une preuve merveilleuse de l'existence d'un Dieu Qui S'intéresserait à nous. La Merveille qu'est Dieu, il faudra la chercher plus loin ! restons, pour lors, sur notre déception : que, notre sort étant gravé dans les étoiles, nous amène à le situer dans le passé, non dans l'avenir, cela ne justifie-il pas tous les schémas répétitifs dont notre seule hâte est de sortir en cessant de les reproduire ? et, lorsque le sort s'acharne, serait-ce à dire que nous l'aurions choisi et souhaité ? Une telle pensée n'est-elle pas simplement insupportable et juste insoutenable ? Incontestablement, sauf si on prend le problème par un autrebout : c'est, en nous appliquant à considérer ce qui touche à (et doù provient) notre sentiment de l'éternité, à nous rendre assez sensibles à la question pour nous apercevoir que nous ne croyons à l'immortalité que parce que nous n'avons pas le souvenir dêtre jamais nés. Nous n'avons tant de désir de l'au-delà que parce que nous gardons la nostalgie de l'avant-naître. Donnerons-nous une nature intuitive à ce qui n'est peut-être qu'une illusion ? Or toutes les balises de l'expérience ne nous ont-elles pas bien r'enseignés ? Notre "moi" peut bien remonter à une prise de conscience dont il garderait un souvenir très précis, cela n'empêche que tout aussi présent, nous est notre "avant-moi". Nous étions avant d'entrer dans l'expérience d'être soi, dans le domaine du personnel, et cette intuition, qui nous est conservée par l'absence du souvenir d'être nés, nous est une garantie très précieuse et fiable de notre certitude en la prolongation de notre devenir. Nous n'avons même l'impression que tant dure l'éternité que parce que nous venons de si loin ! Nous disons souvent pourtant que le temps passe vite, même quand nous avons le temps long, et qu'il passe de plus en pluus vite à mesure que nous vieillissons, qu'il y a une accélération du temps comparable à celle de l'histoire. Mais cela, nous ne le ressentons qu'en nous voyant à l'échelle de l'échéance qui nous rapproche de ce que nous ne saurions éprouver que comme notre inévitable déchéance. Or, si nous nous demandions au contraire depuis combien de temps nous sommes là, cette durée nous paraîtrait inquantifiable. Les étoiles, dans le passé desquelles est gravé notre destin, nous restituent les instants d'inconscience qui semblaient n'être pas comblés entre notre naissance et l'histoire du monde avant que nous venions à lui, mais elles nous les restituent d'une manière véridique : c'est pourquoi, du moins si nous sommes des anorexiques originels, nous sommes reconnaissants au passé de ne pas nous laisser dans le vide, de ne pas non plus se substituer à un vide intérieur qui serait notre vraie substance, de nous remplir de la vraie valeur du temps : si un anorexique ne se remplit pas sans discernement de corps étrangers, ce n'est pas par amour du vide, c'est par besoin de savoir en quoi consiste la véritable plénitude. L'anorexique ne veut pas se remplir en vain et, s'il est vrai que vanités, peuvent être nos souvenirs, encore plus est-il vrai que le passé accorde sa vraie place au temps. "Nous sommes tous gens d'un passé" qui, d'une certaine manière, nous dirigeons vers ce passé, y retournons. Ce n'est pas la notion du temps qui rend impossible que nous ayons celle de l'éternité, mais c'est pour avoir la notion de l'éternité que nous ne saurions avoir la notion du temps. A vrai dire, notre problème est de savoir, étant donné que nous n'avons pas le souvenir d'être nés, quand tout a commencé. Or l'éternité se définit justement comme du temps qui n'a jamais commencé. Le goût du passé ne nous fait pas parier contre le temps : simplement, cette frange d'incommencement qui nous précède, nous aurions besoin de l'étaler, non dans le temps, mais dans l'espace. Elle voudrait s'étendre. Le passé, c'est de l'inattendu qui s'étend, de l'achevé qui nous parfait, du souvenir qui nous parachève, flattant notre sentiment de n'avoir jamais fait que sous-venir, que soulever le voile du monde, la tenture de la toile où s'invente, à notre confusion, une histoire à nous dans celle de l'univers. Le passé ne nous fait pas dire bêtement que nous n'avons jamais demandé à naître : le passé nous attire dans l'orbiteuniversel, veut nous faire monter dans le vaisseau spatial. Les mots s'attirent, laissons-les faire : l'espace est dans le passé.

3. JESUS ETAIT-IL UN ETRE DE L'ESPACE ?

qu'on m'en croie : jamais, une telle question ne me serait venue sans la confluence de trois attractions :

- d'abord, Neal-donald walsh la pose en toutes lettres au terme de satrilogie conversationnelle avec le "tu" dialogique de sa conscience qu'il nomme Dieu ;

- ensuite, me voici attiré, par le choix qu'a fait l'inconscient sémantique de fixer l'espace dans le passé, dans un vaisseau spatial où, cosmonaute, moi qui n'ai pas le sens de l'orientation, tout à coup, les choses de l'espace deviennent miennes ;

- enfin, j'écris ces lignes à un jour de l'epiphanie, lignes postérieures à celles qui vont suivre dans ce chapitre ou dans ce livre, ainsi que le traitement de texte me permet de désorganiser la chronologie selon la théorie de la relativité. Or, chaque année, à l'approche de l'Epiphanie, je me vis moins comme un astronaute que je ne me sens pousser des ailes d'astrologue, si seulement la religion me le permettait… Bien que je me sente étranger au tournant qu'a pris la recherche religieuse de vouloir prier, plutôt que Dieu ou même Ses saints, des anges gardiens, et de voir des extraterrestres dans les éminents messagers de la foi, j'avoue qu'avant que ce courant ne me soit connu, et donc ne me traverse quoique j'en trouve l'appréhension assez primaire de la visitation divine, il m'était arrivé de me demander, non pas si Jésus était un martien - je le trouve beaucoup trop céleste pour cela -, mais justement, puisqu'Il venait du ciel, où celui-ci se situait.
"Jésus nous est arrivé par une étoile", n'est-ce pas à cela que les mages l'ont reconnu ? (« Le christianisme nous mène vers les étoiles », m’a dit une amie tout récemment.) Jésus nous est arrivé par les toits. Il est tombé directement de la voûte céleste dans le sein maternel de la vierge Marie. Jésus nous montre, Sa Place étant illuminée par une Etoile, que nous avons toujours appartenu au passé, à la Pensée de Dieu. Si le moment de notre naissance importe spécifiquement, avant cette irruption ou cette éruption météorique de nous dans le climat du monde, il faut mettre l'accentsur notre appartenance au passé de Dieu où là, nous étions bien. Jésus aurait déjà beaucoup fait pour nous s'il ne nous avait montré que cela. Mais Ses merveilles que je perçois, je les dirai, je les dévoilerai plus tard. Pour le moment, je veux m'arrêter sur la dérive anecdotique des continents religieux. Ce que beaucoup de sociologues regardent de haut comme une incontinence religieuse qui serait censée être insensée et crétine parce qu'un peu simple et synchrétique, ce que les mêmes qualifient de "nouvelles religiosités" en assurant ceux qui en sont empreints qu'ils ne doivent pas y voir plus de mépris que lorsque Freud parle de "perversion", est marqué par l'émergence, en même temps que de l'imminence avec laquelle nous devons envisager de déménager de la planète bleue pour ne pas l'épuiser sous notre poids humain, du vœu que prophétise vers nous quelqu'ange extraterrestre. Dans l'accueil de ce voyageur de l'espace qui nous vient forcément du passé puisqu'il est passé par ce plan, je vois paradoxalement la marque de l'anticipation dont s'auréole la religion, à qui le merveilleux ne suffit plus. (Or l'une des leçons du passé, c'est qu'il suffit, suffidit, il y a en suffisance de quoi nourrir notre mémoire et notre corps puisque "tout est accompli".) L'anticipation catapulte l'apocalyptique dans une dimension fuséale, tandis que, du merveilleux féal, nous avons l'air désabusés. Après tout, que prouvait le merveilleux, à part que notre foi n'était pas infondée? Mais il ne disait pas grand-chose de nous, il prouvait notre Foi sans nous trouver, tandis que l'anticipation répercute notre angoisse en nous donnant des assurances faciles à travers les mots de guides fraternels qui seraient nos égaux pleins de sollicitude… et d'égaux à egos, malgré le mépris universellement préconisé du "moi"... Le merveilleux venait de l'avenir nous confirmer que nos croyances passées en avaient assez, d'avenir, pour que nous puissions y engager notre espérance. Les voyageurs de l'espace viennent du passé nous avertir que nous ne saurions avoir d'avenir à moins de beaucoup changer. Or, comme on ne se convertit jamais… Le merveilleux n'a jamais converti personne, ces messagers non plus : mais ces voyageurs nous trouvent bien disposés à recevoir les commotions qu'ils vont nous donner depuis ces moyens de locomotion que sont leurs soucoupes volantes parce qu'ils nous parlent de nous, là où le merveilleux ne nous a jamais trouvés, nous montrantt dieu en nous frustrant que Sa Présence nous absente, ait pour condition notre effacement, notre éblouissement, l'assoupissement de notre extase, l'hypnose de nos facultés… Forcément : dieu nous vient de l'avenir - et nous sommes immergés dans le passét - nous proposer les fins dernières - et nous campons dans l'inconsolable oubli d'avoir commencé beaucoup plus que de devoir finir -…

II JE SUIS UN ARBRE

Je dois le corps de cette méditation au Père André-Marie foutrin, "LE PETIT MOINE QUI NE DORT PAS LA NUIT" et qui, au lieu d'essayer envers et contre tout de conjurer ses insomnies en comptant les moutons, a ce point commun avec moi qu'il parle tout le temps, verbalise, écrit sans cesse au lieu de prier, sort de la règle du silence pour éponger, se rendre perméable au Silence de dieu qu'il ne respecte pas. Mais, tandis que mon écriture ne s'élance que pour satisfaire une cérébralité qui mentalise tout, retient tout dans la nasse de l'anorexie, lui reste un moine en ceci qu'il est proche de la nature, connaît les arbres, les caresse, les explique. Il n'est pas comme Mauriac, faisant sa fausse confession d'adorer le grand chêne (dans "UN ADOLESCENT D'AUTREFOIS") : cela ne l'empêche pas d'aller tous les jours enserrer de ses bras celui qu'il a planté. Longtemps, ses bras pouvaient en faire le tour, mais voici que le chêne a grandi : les bras du vieux moine sont comme ceux d'un enfant ne pouvant pas plus enlacer le jeune chêne qu'il ne parvenait à faire le tour de la taille de son père, cet autre jardinier qui lui a appris l'art de la taille, de la coupe, du jardin... Ce n'est pas qu'avant le Père André-Marie, je ne me sois jamais avisé des multiples similitudes qui apparentent l'homme qui va se ressourcer près de lui à l'arbre planté au milieu du jardin et qui peut-être est l'arbre de vie ? Mais, si, homme, j'entre dans cette similitude, si j'accepte par avance toutes les conséquences d'entrer dans cette symbolique, qu'est-ce qu'être un arbre va découvrir demon humanité ?

1. Je suis fait d'une écorce, moi qui fais feu de tout bois.

Au commencement, lorsque la honte s'est emparée de moi au spectacle de ma nudité lorsque je l'ai connue, je me suis couvert de feuilles de vigne pour ne pas paraître devant dieu dans le plus simple appareil - j'aurais dit "en tenue d'Eve" si j'avais été une femme, mais je ne veux pas compliquer cet exposé en exhibant des troubles de l'identitéqui ne sont pas les miens - : je marque assez de complaisance pour les "tares" que je vous exagère... voyez-vous ça, comme je me bats l'écorce ? a croire que je suis mon propre bûcheron, comme si dieu ayant pitié de moi, n'avait pas remplacé les feuilles de vigne dont je m'étais recouvert par une "tunique de peau" qu'il m'a confectionnée sur mesure, à l'intérieur de laquelle il a caché mon nom et le message enfoui sous mon nom pour que celui-ci ne soit pas meurtri par la transparence et pour que je n'aie pas froid sous ma tunique de peau comme, à l'arbre, il a fallu que les feuilles qui le voilaient et dont l'automne le dépouillait ne le fassent pas frémir à basse température, et dieu l'a cerclé d'une écorce sous l'aubier, par quoi il pût en imposer à ceux qui l'auraient trouvé trop nu pour sa grandeur. Mais l'arbre a su se contenté de son écorce, il a aimé l'odeur de bois mort qui jonchait la forêt de sa mue, et le craquement des pas qui donnaient une consistance sonore à ses épluchures. Il a aimé être épelé et que sa première peau reprenne vie, non seulement dans le pas qui apparemment lebrisait, mais dans "la bonne odeur du bois mort" qui, brûlant ou pas, donnait l'idée d'une possible "communion des humbles" en une "religion des simples", ce bois étant posé sur le bûcher en vue de remplir une huche à pain que nous aurions mangée autour de l'arbre et de l’âtre. Mais ainsi n'avons-nous pas fait, qui nous en sommes éloignés alors qu'qu'"auprès de notre arbre, (nous étions) heureux : (nous n'aurions) jamais dû le quitter des yeux". Mais ainsi n'avons-nous pas fait parce qu'après avoir manqué prendre froid sans la sollicitude de dieu, recouverts seulement de nos feuilles de vigne, après avoir découvert le chauffage central auprès du bûcher allumé alentours de l'arbre, nous avons voulu que la tunique de peau qui nous avait été confectionné sur mesure, devienne un "CŒUR DE CUIR" (Patrick gofman). Il ne nous a pas suffi que notre nom fût caché comme un trésor à épeler comme ce qui était sous l'écorce de l'arbre : cuirassés, nous avons fait de notre nom un graal, nous l'avons fait entrer dans une tour d'ivoire, nous nous sommes capitonnés d'un masque plus épais que le bois, plus dur que le cuir et nous avons fait entrer notre nom dans la personne. La personne absolument singulière que nous avons proclamé que nous étions nous a enclos, comme le jardin d'Eden après la fermeture du paradis, dans une déconnection absolue de tout "moi" d'avec la télépathie générale. L'altérité nous est devnue une frontière infranchissable dont l'approche tribale près de l'arbre à palabre, condition dans laquelle nous vivions à peu près notre différence avec la nature, différence qui ne nous confondait pas, mais qui ne nous isolait pas non pllus, nous est bientôt apparue comme une violation. Mais avant que, non sous l'effet du froid, mais par celui de notre volonté, nous nous endurcissions au point de nous séparer ainsi, nous avons commis le sacrilège de nous faire une vertu de notre pudeur.

2. L'aubier.

Ainsi avons-nous vécu loin de notre nom. Nous avions cru l'emporter en nous éloignant de l'arbre et en l'enfermant dans le château-fort que nous avions construit pour le garder et ne pas l'ébruiter, mais nous ne savions pas que c'était l'arbre qui le gardait et qui, malgré tout, malgré nous, permettait au processus d'épellation, d'épilation de s'exercer. Notre mue s'est faite en notre absence et, plus nous nous éloignions de notre nom, moins nous le savions. Nous avons été dépouillés de nos oripeaux pour que reste de nous la fragilité de ce bois en train de mourir et le frémissement qui nous traversait de vivre sans savoir que ce frémissement, c'était nous. Ca n'avait jamais rien été de plus, nous, que ce tremblement de froid et de joie simultanés qui nous saisissait devant la beauté, moins de vivre, que d'être habités par la vie, habillés par elle aussi dans l'hiver de notre nudité. Pour revenir vers notre nom, il suffisait (et cela nous est possible encore) de renier le culte de la pudeur en témoignage duquel nous avons modelé notre effigie que nous avons dressée sur un autel en nous efforçant de l'adorer et de la faire adorer. Pour esquisser un retour vers notre nom, il suffirait que nous nous aimions, dans le froid imprévu où nous risquons moins de tomber comme l'écorce que de nous perdre d'une manière insaisisssable - que devient l'aubier, qui sert de cache au conduit déjà mort d'où, paraît-il, monte la sève ? -. Notre nom est aubier. Pour rendre plus simplement cet amour à notre élection, accuserons-nous d'impudeur celui qui se met à nu ? et où dirons-nous que le risque est le plus grand : lorsque nous écrivons à nu, avec toutes les maladies de notre âme,ou bien lorsque, avec toute la tartuferie dont nous voudrions "cacher ce mal que nous ne saurions voir", cacher le mal et la souffrance, ne pas regarder la mort en face, surtout quand elle est à l'œuvre en nous, nous nous extirpons dans un formalisme qui nous rend éphémères, quand l'apprivoisement de notre nudité aurait pu nous garder légendaires ? Légendaires, car non déguisés, non carnavalesques, sans apprêts, plus vrais que nature… ?

3. Sous l'aubier serait un conduit, comme un vaisceau d'où monte la sève, comme un cœur qui n'aurait pas à battre à la demande, car ce conduit qui amène la vie, ce conduit serait un simple tuyau, mais un membre mort : pas le membre mort d'un arbre sec - il y fait circuler la sève -, mais une chose qui n'a pas besoin de vivre pour conduire, pour être conductrice. Faut-il nous affliger de ce que nous pourrions prendre pour la mort de notre cœur ou, si ce n'est de notre cœur, de notre appareil circulatoire ? qu'il ne soit pas conscient des mouvements qui se produisent en lui par automatismes nous empêche-t-il de l'entendre pendant les "monitorings" dont s'accompagnent nos écographies ? Faut-il nous affliger que, sous la précarité de notre nom d'aubier, il y ait du "déjà mort" en nous, du moment que ce "déjà mort" fait circuler la vie en nous rappelant seulement que notre nom n'était pas un titre de propriété et que notre vie n'est pas notre vie, mais "la vie qui circule en nous" ? Ne faut-il recevoir qu'une leçon de modestie de ce phénomène quand, à nous approcher simplement de ce centre (se rappeler que notre cœur n'est pas, lui, notre centre), de ce centre d'où monte la sève, c'est de lui que semble être propulsée la puissance d'émanation qui fait de l'arbre une source d'énergie qui nous attire pour nous nourrir ? Autrement dit, du centre qui paraît le plus mort en l'arbre, se tire le plus vif ; par application, de ce qui semble le plus impersonnel en nous, se détache notre Manifestation et notre présence. Croyons-nous qu'il y ait quelquechose de moins déterminé en nous que le génie, que notre inspiration, que ce que nous appelons notre patte ? Ne savons-nous pas que le génitif, à la famille duquel appartient le génie, ne désigne rien d'autre, en grammaire, que le complément de détermination ? volontiers nous serions-nous conçus comme des "leaders charismatiques" et aurions-nous soutenu que, si la position de "sauveur" avait jamais été soutenable de la manière dont on nous l'a enseignée, un "sauveur" ne pourrait avoir que des disciples et être sauvés ne pourrait que nous rendre des suiveurs. Je m'étonne que l'Eglise, quand a émergé "le renouveau charismatique", n'ait jamais interrogé la position de "leaders", inédite par rapport au rôle du prêtre et ayant même peu de points communs avec lafonction du prophète. Le besoin paranoïaque d'être un "leader" n'est qu'un rabat de la puissance d'émanation de l'arbre sur nous qui portons mal le deuil du tapis de feuilles mortes qui tombent de notre toison, qui voudrions tenir la vie plutôt qu'apprendre à tenir à elle et qui regrettons que ne fasse que sortir de nous ce dont nous ne sommmes pas à l'origine. Cette désappropriation de ce que nous prétendons avoir inventé est particulièrement un sujet d'expérience pour qui a le bonheur d'être capable de reproduire les sons de la musique qu'il entend à l'intérieur de soi. Celui-là ne peut douter que la musique n'est pas son œuvre, ni qu'elle ne fait que se détacher de lui ! La musique se détache de cet "arbre à musique" comme en tomberaient des feuilles, comme volaient au vent les partitions de Rossini qui tirait à la ligne, allongé dans son lit.
"Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?" s'interrogeaitdéjà saint-Augustin.

Au troisième plan, était l'infrangible distance dont nous déclarions coupés les fils de l'altérité par des cuirasses tannées de façon à n'être point conductrices d'électricité. Au second plan, est "LE LIVRE DE (notre) ECORCE", (qui fut le premier livre qu'écrivit mon neveu enfant),, livre qui s'effeuille… L'écorce, ce feuilleté, peut-elle s'effeuiller jusqu'à l'Aubier ? dans notre nom et sous l'écorce, , était déjà dissimulée la perle d'un message, sédiment de l'étoile par laquelle nous étions tombés du passé et avions accédé à la vie par les toits. Du moins, à ce plan de réalité, avions-nous raison de croire à la liberté et de l'aimer comme un élan. Cet élan nous a fait faire un saut en longueur, mais quand nous considérons le premier plan, celui de notre nudité toute prude, de notre dépouillement complet, de ce qu'exagérément, nous serions en droit d'appeler notre "mort du cœur", quelle n'est pas notre surprise de constater que ce n'est pas de notre liberté qu'émane notre rayonnement, mais du déterminisme génitif ou encore génétique dont notre présence enchâsse la sève divine impersonnelle, nous reliant toutà fait à l'esprit, dans une désappropriation qu'a consommée, non pas "une mort à nous-mêmes" à laquelle nous aurions consenti, mais une mort qui est venue d'elle-même, qui nous fait être des percussions automatiques de ce déterminisme. Et, si nous ne devons pas porter le deuil de cette mort en nous, de ce point mort de nous d'où vibre enfin la vie, c'est que ce point mort nous place dans "l'ayn soph aor", c'est-à-dire dans l'indéfini indéterminé au sein duquel quasi néant s'est posé l'Acte créateur de Dieu. Qu'il y ait en nous de la place pour la vibration d'un point mort ne nous renseigne pas tellement sur "l'énergie du vide" qu'elle ne met au comble notre Assimilation à dieu en la projetant sur l'Instant créateur et non pas seulement surla Face Resplendissante de Celui Que nous ne saurions voir sans en être éblouis !

III JE SUIS UNE RESSEMBLANCE OU COMMENT LE vERBE S'EST FAIT CHAIR POUR NOUS APPRENDRE A LA RETROUVER

Car voici d'où devraient monter nos louaanges adressées, autant à la vie qui n'a jamais commencé de monter en nous et dont nous nous sentons les vecteurs qu'à celui Qui nous a voulus participants de cette vie, s'Il n'est cette vie elle-même : c'est que nous sommes assimilés. Ainsi me semble-t-il du moins, dans le lignage chrétien dont sont faits l'arbre et le tronc de ma pensée, que nous devions prendre le terme de Ressemblance lorsqu'il nous est dit que nous avons été créés "à l'Image et à la Ressemblance de dieu". Je n'ignore certes pas que déclarer l'assimilation un synonyme de la Ressemblance me met en porte à faux avec la manière juive de comprendre ce terme, qu'il y a donc une autre interprétation plus restrictive de cette expression, pour laquelle, si nous ressemblons seulement à dieu, c'est justement que nous ne Le sommes pas : nous en sommes des modèles réduits nullement divinisables qui n'avons qu'à répercuter cette Ressemblance autant qu'il est en nous. Ici se trouve une des pierres d'achoppement les plus susceptibles de faire trébucher une conciliation entre la réception de la messianité du Christ-verbe par Ses disciples et la non réception de cette messianité par la majorité de ceux qui sont du lignage du Jésus de l'histoire, pour qui c'est insulter à la Transcendance divine que de l'assimiler à la vie, tandis que dieu à travers le verbe, venant à notre rencontre pour nous sauver après nous avoir créés à Sa Ressemblance que nous avons perdue, nous fait entrer dans une logique d'assimilation. Pour les Juifs, Dieu ne saurait être confondu avec la vie qui émane de lui, car Il est plus grand qu'elle, et nous ne saurions d'autre part être divinisés, car nous ne sommes que des modèles réduits de dieu. Le Christ, naissant dans "la maison du pain" (à Bethléem) pour devenir Eucharistie, se prépare à nous donner Son Sang. Or l'interdit de consommer du sang est à la base de toute la kashrout, c'est-à-dire des interdits alimentaires que dieu a prescrits à son Peuple. Le lévitique voyait dans le sang ce qui se rapprocherait le plus de notre notion d'âme, pour autant qu'elle ait cours dans le judaïsme. Consommer le sang dun animal, c'était s'incorporer sa vie, ce qu'une traduction de la Bible de Jérusalem exprime en ces termes :
"L'âme de la chair, c'est le sang" !
La rédemption de Jésus ne consistant à rien de moins qu'à nous donner le Sang de Dieu, voici que par elle, pour autant qu'on acceptât les prémisses que Jésus Etait dieu, Dieu voulait nous prodiguer en Lui "l'âme de la divinité". Cela ne pouvait être qu'un objet de "scandale" pour ceux qui avaient compris tout autrement l'œuvre que devait réaliser le Messie en venant dans le monde. Ce « scandale » allait bien au-delà du fait que le peuple de la première Alliance n'aurait pas su lire la prophétie du "serviteur souffrant", allusion somme toute assez marginale aux tribulations que connaîtrait le Messie pour Se faire reconnaître. Le scandale d'un dieu poussant la logique d'assimilation et de divinisation de l'homme jusqu'à livrer Son Ame est allé jusqu'à éclabousser, bien avant que ne fleurissent les thèses d'une substitution du crucifié, l'Eglise des premier siècles, définissant dans la cacophonie les deux Natures humaine et divine de Jésus et si ces deux Natures avaient ou non participé à l'acte Rédempteur. Le consensus se fit pour déclarer que seule, la Nature humaine de Jésus avait été impliquée dans Sa crucifixion, mais que la Nature divine étant par essence immortelle, elle avait échappé à la mort et n'avait pu s'engager en elle. Or tout autre est la divinisation quand nous la recevons jusqu'à l'extrême pointe de son message révolutionnaire et révélationnaire : en Jésus qui vient se faire Corps et Chair de dieu dans l'humanité, dieu livre son ame à la mort. Et c'est en permettant à l'homme d'entrer dans la mortalité de l'Ame de Dieu par laquelle Il se laisse atteindre que dieu donne à l'homme la chance de rendre son âme immortelle, de lui faire recouvrer son immortalité d'origine, l'immortalité pour laquelle Il l'avait faite et dont l'homme a perdu jusqu'au sentiment de l'évidence. En Jésus, dieu permet à l'homme de rentrer dans son éternité. Jésus Apparaissant à un moment du temps avant lequel l'homme avait mené une vie qu'il avait jugé digne d'être vécue, ne fait que rétablir un ordre perdu, l'ordre perdu de l'éternité, perdu par une séparation qu'on sent consommée avec Dieu, séparation qu'on appelle la chair, chair qui a rendu Dieu aveugle à l'homme et l'homme ébloui par Dieu, chair qui fait Dieu demander à l'homme :
"adam, où es-tu ?"
et qui fait que, quant à lui, l'homme ne sait pas où il en est. Il ne sait pas avoir qu'un seul amour, il ne sait pas accorder de valeur absolue aux moindres actes de sa vie. Souvent, je me suis demandé comment il pouvait encore se trouver des prêtres pour accepter de le devenir, à la fois s'il n'y avait pas d'enfer et si les homme pour qui ils se donnaient ne pouvaient s'empêcher d'être pécheurs. Me posant la première question, j'entrais par trop dans le raisonnement de dostoïevski :
"si Dieu n'existe pas, tout est permis", alors que la liberté chrétienne a déjà répondu à ce raisonnement (par la voix de Saint-Paul)
"Tout est permis, mais tout ne convient pas".
Quant à la seconde question, le prêtre ne le devient pas pour empêcher l'homme de pécher, mais pour tout transformer en amour, y compris ce qui serait "un manquement à l'ordre ontologique", transgression des lois divines, transformation à l'exemple de celle, remarquable, qu'à faite celui dans le sillage de Qui tout ministre ordonné est prêtre et par laquelle "Il a transformé un instrument de torture, la Croix, en instrument d'amour" (Bernard ball). Enfin, s'est-on assez rappelé, dans le monde chrétien comme dans le monde juif, que le messie promis devrait devenir prêtre ?

Je ne prétends pas, me réservant d'ailleurs de traiter de ce thème dans un chapitre ultérieur, d'éclairer d'une Lumière brute tout le Mystère de la rédemption. Ce qui entretient une large incompréhension par rapport à ce Mystère est que nous n'en sentons pas les effets, outre que nous ne voyons pas pourquoi il est intervenu à un moment si tardif de l'histoire de l'humanité, question à laquelle je crois avoir répondu, sans compter qu'il n'y a pas vraiment de moment sur l'axe du temps. Mais une chose est de ne pas en sentir les effets, autre chose est de ne pas essayer d'en comprendre le but. La fin de la Rédemption, c'est la divinisation, c'est de permettre à l'homme de retrouver sa ressemblance divine dans une logique d'assimilation. On peut contester la validité de ce but pour des raisons beaucoup moins superficielles que celle qu'on invoque généralement (et qui est, ma foi, assez légitime) à savoir que, manifestement, malgré la rédemption, tous nos problèmes ne sont pas résolus; On peut contester ce but en disant que l'être ressemblant ne doit pas se prendre pour l'Etre Ressemblé, que c'est se nantir d'un rôle qu'on n'est pas fait pour jouer, que c'est croire sa tête à la mesure d'un chapeau qu'elle est trop petite pour porter (car il faut supporter le monde, une fois qu'on est devenu dieu…), que c'est mettre Dieu, Qui est supérieur à la vie, en position d'infériorité et se prendre, soi, pour le nombril du monde… Mais n'est-ce pas ce que chacun fait, qu'il accepte ou qu’il conteste d’être fait pour être divinisé ? et à quoi mène de contester ce but, sinon, non seulement à ne pas pouvoir guérir de la paranoïa et à ne pouvoir faire que l'aggraver en ne l'assumant pas dans toute sa démesure, mais à se fabriquer des idoles, ce contre quoi dieu s'élève le plus, idoles qui nous aliéneront d'autant plus qu'elles ne sont pas à la dimension de la condition humaine, de la question que dieu lui pose, de la question qu'elle pose à Dieu… ? Car enfin, voici où mène de ne prendre notre Ressemblance de Dieu que comme si nous n'étions qu'un modèle réduit de Celui qui nous aurait créés en position d'infériorité congénitale et dans une perversion telle que nous ne saurions jamais dépasser celui Qui nous a donné le jour : frustrés d'avoir été mis au monde dans une telle perversion, qui ne prend même pas en compte notre besoin de nous montrer les premiers en tout, nous prenant pour des modèles réduits, nous nous fabriquons des dieux encore plus petits que nous ne sommes. Refusant la logique d'assimilation qui est contenue en germe dans notre Ressemblance de Dieu, nous lui préférons celle de l'imitation, qui n'est nullement productive puisqu'elle nous fait passer à côté de notre réalité pour finir par nous fair participer à une foire dd'empoigne, pour autant que , d'après rené Girard, le désir mimétique, porte ouverte à toutes les rivalités, ne peut dériver qu'en un besoin de prendre pour bouc émissaire celui qui ne veut pas jouer le jeu ou celui qui est inimitable, de le prendre comme solution à nos conflits de rivalités dans lesquels il n'entre pas, et de le sacrifier comme élément perturbateur, persécutons l'antisocial… !

Je ne prétends pas, je l'ai déjà dit, à l'occasion de ce bref développement de ce que je puis déduire de ma Ressemblance avec Dieu, éclairer d'une lumière brute le Mystère de la rédemption que, quand je voudrais lui consacrer un chapitre, toute une vie ne suffirait pas à élucider. Si j'y reviens comme je me le propose lors d'un développement ultérieur de ce "journal idéatif", ce sera pour aborder le rôle qu'a ou que n'a pas joué le Christ dans l'accession de "la nature humaine" à la Gloire de dieu. Mais ici, puis-je tout de même examiner en quoi le Verbe S'est fait chair, en quoi, si dieu nous a créés par le Verbe comme il est affirmé au prologue de l'Evangile de Saint-Jean, Il nous a avant tout sauvés par lui. Pour ce faire, je délimiterai un certain nombre des caractéristiques de la chair et je dirai en quoi le verbe les a, à monsens, assumées. Mais en préambule, je voudrais dire que la distinction du Christ et du Verbe me semble plus opportune et spécialement plus féconde pour la modernité que la distinction quelque peu obsolète entre la Nature humaine et la Nature divine de Jésus-christ, d'autant que cette distinction la recoupe assez largement, le Christ correspondant à cette part humaine de nous qui, quoiqu'ointe du sceau de la bénédiction divine, ne peut jamais sortir de la logique sacrificielle, tandis que le verbe vient d'ailleurs, Etait auprès de Dieu et Etait dieu. Il vient d'ailleurs se glisser dans un manteau de chair, manteau frigorifique que le Verbe vient réchauffer.

Que dirai-je de la chair ? que mon lecteur me fasse la grâce de ne pas croire que j'avance par obsessions : mais "la chair" est assez largement un synonyme de l'anorexie. La chair est anorexique et elle véhicule une représentation anorexique du monde. La chair est comme gisante à l'abandon. En suinte de "la plaie ouverte" du "dormeur du val" la blessure de l'amour qui l'a prise pour cible. La chair est ouverte et muette. Or, on l'a vu, le verbe va faire une transfusion de sang à la chair. La chair ankylosée, inanimée, va pouvoir redevenir "la chair et le sang", c'est-à-dire, moins que la chair va retrouver son âme dans une union duelle déséquilibrée, mais reprendre vie, se lever et marcher. La chair va pouvoir être remobilisée par la transfusion qu'acceptera d'y faire le verbe. Mais, au préalable, le Verbe aura fait l'expérience du sentiment d'abandon. Il en aura fait l'expérience parce que, Lui qui etait "près de Dieu", Il aura accepté de S'exiler loin de dieu et, dans cet exil, Il aura souffert de la distance. Il en aura fait l'expérience en répercutant ce cri aux deux extrémités de sa vie : la première fois en poussant le premier cri d'expiration qui marque la venue au monde ; la seconde fois en donnant, avant de mourir, un sens explicite à ce cri, soupirant :
"Mon Dieu, mon dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
faisant sienne la croyance erronnée de la chair qu'elle n'est pas désirée, que Dieu a signé à son égard un acte d'abandon dont elle est inconsolable, n'acceptant, de ce fait, la reconnaissance d'aucune dette, voulant ne venir de nulle part, n'être "(la fille) de personne" (Jacques de Guillebon), le Verbe la fait entrer dans Son propre engendrement. Le Verbe dit à la chair :
"comme Je Suis Né de Dieu, tu peux naître d'En Haut." Le Verbe donne raison à la chair de ne pas accepter le fait accompli d'une filiation qui ne l'a pas désirée. (A force de se sentir non désirée, la chair finit par n'être que désir.)Le Verbe fait entrer la chair dans "l'adoption divine", c'est-à-dire qu'Il lui révèle que, par-delà son existence, il y a, pour elle, la nécessité d'adopter la raison qui l'a faite exister (et qu'Il est là pour lui donner, Lui, le Verbe, Raison des choses, Sens du monde ; mais il y a aussi, pour celui qui lui a donné l'existence, pour le Père du verbe et de la Vie, nécessité de manifester, pour subjuguer le sentiment d'abandon de la chair, tout le désir qu'Il a eu d'elle, ce qu'Il fait en envoyant s'incarner Son "verbe qui Etait Né de dieu". Dieu révèle à la chair qu'elle existe sans lui imposer son existence. La chair entre dans le mystère de génération divine et cette génération divine s'allie pour ainsi dire à la génération spontanée pour faire consister l'existence en la somme des existants multipliée par l'état d'esprit qui a présidé à leur existence.

Ayant subi le choc de l'abandon, ayant été la cible de l'amour, la chair a réagi à ce choc en s'enfermant dans le mutisme. Elle n'a plus su trouver les mots, elle n'a plus voulu dire un mot. La chair est devenue mutique comme la mère de camille Raquin, le mari de Thérèse, l'héroïne de Zola qui, avec son amant, a assassiné son fils. A ce mutisme de la chair, le Verbe répond de plus d'une manière, et l'on pourrait dire que la première réponse qu'Il lui fait est de se faire appeler "le Verbe". En effet, la chair demande au Verbe :
"Pourquoi t'appelle-t-on le Verbe ? Est-il possible que Tu aies créé en proférant quand il te suffisait de penser pour appeler à la vie ? Pourquoi t'appelle-t-on la Parole ?"
Et le Verbe répond à la chair :
"On m'appelle la Parole parce que, si certes, J'aurais pu créé les mondes sans proférer qu'ils fussent, Je n'aurais pu venir à toi sans Me nommer le Verbe, car tu ne sais penser sans langage. Aussi t'ai-je dit que j'étais Langage afin que tu entendes ma pensée."
Le Verbe est ainsi entré dans la conscience de la chair.

Mais la chair a dit au verbe :
"Il ne suffit pas que Tu sois entré dans ma conscience. Ce que tu ne sais pas, c'est l'étendue de mon inconscience. Car, avant que je parle, que m'est-il arrivé ? Je n'ai ni conscience, ni souvenir, ni pouvoir. Je suis volonté de puissance, mais je n'ai pas le pouvoir de ma volonté. Je suis un désir sans pouvoir ni puissance. Je suis un fantasme. Je fantasme ta magie de pouvoir faire advenir ce que tu te contentes d'énoncer. Donne-moi ton pouvoir, ô verbe !"
"Tu ne sais pas ce que tu demandes", a répondu le verbe. "Tu ne sis pas quels sont les risques du pouvoir. Tu ne sais pas à quel point le pouvoir corrompt. Tu ne sais pas à quel point il faut avoir une humilité en face des choses, quand même tu les crées. Mais il ne suffit pas que Je te le dise sans mettre en pratique la renonciation qui en découle. Je dois m'imposer une abdication et m'astreindre à une double ascèse".

La première fut que le Verbe, de "poème" qu'Il etait, S'est fait enfant. "et le poème s'est fait Enfant" pourrait être une traduction exacte et littérale du verset :
"et le verbe s'est fait chair".
L'enfant, dans le sens où nous le soulignons, dans le sens où nous notons que c'est la première condition par laquelle est passé le Verbe Incarné, c'est celui qui ne parle pas, qui est privé de la parole, n'a pas le don de la parole et par conséquent ne comprend pas. Le fait de se faire enfant présentait pour le Verbe deux avantages : le premier était de ne pas s'imposer comme existant à une chair qu'Il devait convaincre de son existence. Ce fut ce qu'on appela "le silence de Dieu". Le second fut de connaître quelque chose de l'inconscience dans laquelle un enfant s'est ouvert à la vie et qui constitue la seconde raison, pourquoi il ne se souvient pas de sa naissance, car on ne se souvient nettement que de ce dont on a compris comment il était formulé. Or la naissance de la chair, avec le cortège qui l'avait précédée d'information génétique, s'était déroulée dans une grande informulation. Le Verbe Informé est entré dans cette informulation pour prendre conscience de notre inconscience. L'inconscience est l'un des grands mystères qui participent à convaincre la chair de son abandon. A partir du moment où on l'observe réactif, on suppose que l'enfant a peut-être une conscience simultanée des choses, c'est-à-dire une conscience des phénomènes au moment où ils se produisent, mais sans la possibilité de les rattacher en souvenirs. Or la conscience, si elle naît du langage, suppose aussi le souvenir. Il ya un moment où l'enfant prend conscience, mais avant cetemps, l'enfant est inconscient. Quant au verbe, peut-on dire que c'est en se faisant enfant qu'Il devient Inconscient ? Le Verbe n'a-t-Il jamais connu l'inconscience ? Jung a dit que "Dieu est l'inconscient", mais c'était une façon commode deremplir un vide conceptuel. Ce qui est plus certain, c'est que, s'il fut seulement un moment où dieu fut sans Vis-à-Vis, Il connut l'inconscience ou l'ennui, ce qui revient au même. S'il y eut un moment de l'éternité où "Dieu prit temps",ce commencement fut pour lui ce que la prise de conscience fut à l'enfant. Or le Verbe étant de procession divine, est le principe de génération divine. Le Verbe est la Conscience du Vis-à-vis de Dieu. La spontanéité, en même temps que l'extraordinaire construction de cette génération, c'est justement ce que le Verbe est venu révélér à la chair. Car si, comme l'ont supposé les anciens, "le Verbe Fut coéternel au Père", Il le fut comme la conscience de Dieu qu'Il ne pourrait être sans qu'il y eut Quelqu'un. Il ne saurait y avoir d'être sans y avoir de l'autre. Dès lors que le Verbe fut toujours Conscience, en prenant la voie de l'enfance, Il fit pour la première fois l'expérience de l'inconscience qui appartient à la chair. Ce n'est pas que l'inconscience ait été le propre de la chair : dieu en avait fait aussi l’expérience, mais Il la surmonta en se Faisant Esprit et Il la sublima en suscitant de l'autre. La chair n'était pas capable de susciter de l'autre. Ce qui l'a fragilisée, c'est la sensation que l'autre faisait son histoire.

Mais le Verbe à travers l'enfance s'est fait un "Poème Muet". Le Verbe en se faisant chair s'était déjà fait le contraire d'un poème, dans la mesure où le "poème", avant d'être lyrique, avant d'être sujet à la malédiction orphique, était doté du pouvoir de susciter, consistait même en cette création quasi magique d'une pensée se matérialisant. Or, de même qu'Adam fut chassé du paradis, ce fut à la suite d'une malédiction que le poème devint lyrique. Le poème gagna en mots ce qu'il avait perdu en capacité de susciter des images. Le poème se paya ou fut payé de mots. Ici, il convient peut-être de s'interroger dans quelle mesure les mots peuvent nous sauver la vie. Cette interrogation est suscitée par le fait que Celui qui Vient nous rédimer et S'offrir à être notre rédempteur est présenté à notre adoration comme pouvant être invoqué sous le vocable de verbe; S'Il est le Verbe, n'est-il pas mot ? N'est-il pas cette monnaie vraie ou fausse dans laquelle le lyrique a surmonté l’orphique ? Un jour, j'ai dit à mon frère que les mots m'avaient sauvé la vie. Il m'a répondu à, je crois, juste titre qu'il ne fallait pas m'en payer. J'ai certes la chance de jouir d'un certain pouvoir des mots. Ce pouvoir me permet de justifier ma vie, mais, ni de la dénouer si je n'ai pas un vis-à-vis, ni d'en changer la donne. Mon frère est féru de psychanalyse ; comme je lui demandai un jour comment il la définissait, il me répondit qu'indépendamment de ses sous-bassements théoriques auxquels il ne se sentait pas plus lié que cela, "avant tout, la psychanalyse était un langage à ses yeux. Je ne souhaitai pas en savoir davantage, d'autant qu'un de ses camarades écrivains, qui prenait le café avec nous, confirma cette définition comme ayant touché au plus juste de l’essence de la psychanalyse. En y revenant, m'apparut ceci : comment, si la psychanalyse est un langage, peut-elle accompagner "la mort du langage" ? des structuralistes comme Michel foucault ne l'ont-ils pas prise comme auxiliaire pour que l'homme ne soit pas déboussolé dans ce changement d'"épistémè" ? (Les spirituels parlent de "changement de paradigme", les intellectuels préfèrent parler de "changement d'épistémè".) comment "la cure de parole" pourrait-elle accompagner "la mort du langage" ? Avais-je bien compris ? Ne commettais-je pas un contresens ? Mettons qu'il soit exagéré de faire participer la psychanalyse à la mort annoncée de cela même qui l'a conditionnée. Reste que beaucoup de ceux qui ont suivi une « cure analytique" en ressortent avec la conviction qu’il faut se contraindre à l'ascèse d'une economie de mots qui ne conserve du langage que "son squelette", dit mon frère, "et c'est toute la dignité de la poésie de se dépouiller des fioritures pour ne conserver que l'ossature. Ainsi la poésie peut-elle échapper à la conjuration du lyrisme." M'interrogeant sur les raisons qui poussent à cette économie, j'entends dire qu'il faut bien se rappeler que le matériau de base sur lequel "la cure" vient mettre moins des mots que du sens étant l'enfance, le désarroi dans lequel ces premiers mois se ont passés est l'absence de mots par laquelle son souvenir s'est émoussé. Ce qu'il y avait à rechercher au fond de cette absence de mots étant une fois remis en ordre, il était nécessaire de reconstituer cette absence et, après avoir scénarisé l'enfance, d'en refaire un film muet. Le poème de l'analysé devient elliptique. Du langage, il ne reste que l'ossature. Or, ce qui est éludé dans la phrase elliptique, c'est le Verbe. Mais la poésie oscille aussi entre son désir de n'être que l'ossature et le fait, comme l'aphorisme, dont je prétends sans pouvoir le prouver qu'il est la scansion naturel de son mètre, de "tendre vers la phrase infinie". Le langage réduit à l'ossature, dont il ne reste que le squelette, ne renvoie-t-il pas à quelque "pulsion de mort" que remet en selle la remise en scène de l'enfance en un film muet ? Mais c'est ici que le Verbe peut venir au secours de l'ellipse : dans la réduction du langage à son ossature, en plus d'un dépouillement qui "fait vivre les mots à la dure", il y a un refus d'émotion qui recherche la solidité. Dans la loghorée qui étend le linge de la phrase essorée, par le ressort de l'abus de langage, vers l'illusion de l'infini, il y a au contraire une complaisance vers l'émoi facile et comme une recherche de la larme qui ne viendrait pas d'elle-même, qui ne procèderait pas d'un don. Le Verbe se situe à l'exact confluent du langage réduit à l'ossature et de sa tension vers la fluidité mouillée de l'infini. N'étant fait, ni pour l'élision qui Le nie, ni pour la propension d'une expansion artificielle qui en fait une caricature de Lui-même en Le transformant en verbiage ou en verbalisme, entre ces deux écueils, le Verbe propose une sagesse", qui "revient marcher au-devant de la chair" et qui satisfait à la fois au besoin de solidité sans lequel il n'y a point de plaisir et à un minimum d'expansion de cette solidité vertébrale sans laquelle celle-ci n'est que dureté du cœur. Lorsque le poème, « muet dans la langue » (André Duboucher), veut reprendre langue avec le Verbe, celui-ci sort de son enfance pour réinformer d’haleine la chair en quête de sens d’une sagesse proverbiale. Mais le Verbe ne sort de son enfance qu'à la demande de la chair ; si cette demande n'est pas formulée, Il peut très bien Se faire silence, comme si Dieu n'existait pas; Mais le Verbe sortant de son enfance qui ne l'a pas hypnotisé (et apprenant par la même à la chair à faire de même), dans la Sagesse avec laquelle IlSe confond à l'origine, "sagesse Qui jouait sur la terre" au moment que de créer la vie qui est un jeu, ne transmet-il, en matière de sagesse qui vertèbre la vie, qu'un usage du monde ? Ce serait déjà beaucoup.

Le verbe transmet un usage de la vie ; Il transmet un usage des plaisirs et des déplaisirs, Il transmet un usage du manger et du boire. Il transmet l’usage que, si le don de la vie se transmet par la voie d’échanges et de jeux sexuels, les premiers échanges de la vie sont d’ordre oral, de ceux par quoi la mère donne le lait de son sein ; par suite, ces échanges s’approfondissent dans le banquet fraternel où se partage le repas convivial. Or infinie est la nostalgie matricielle de l’enfant de retourner au sein de la mère comme infinie aussi est la nostalgie de l’âme de retourner au sein du Père, c’est-à-dire au sein de sa matrice divine dont elle se sait provenir sans tout à fait Lui appartenir, parce qu’il lui manque quelque chose de la ressemblance de ce sein Paternel.

Au premier instant de cette manducation du nourrisson, celui-ci n’absorbe aucune substance qu’il ait volée. Même, on peut dire que ce que la mère le laisse tirer d’elle ne lui retire rien, car elle ne fait que lui donner ce qu’elle n’a sécrété que pour lui. C’est de cette innocence de cets premiers repas où le nourrisson sait ne s’être nourri de rien qu’il ait volé qu’il est particulièrement nostalgique. Qu’il n’ait pas été allaité, qu’il ait subi l’arrêt de l’allaitement comme un traumatisme qui l’a particulièrement marqué ; ou qu’il n’ait pas aimé le lait dès l’origine, parce qu’il y avait quelque chose entre sa mère et lui qui ne passait pas, un signe particulièrement fort de ce que sa condition charnelle se vivait sous celui de l’abandon originel, et l’anorexie menace, au moment du passage obligé de l’absorption des nourritures liquides aux nourritures solides, de la sucion à la mastication. Pourquoi lui pousse-t-il des dents qui vont l’obiger à broyer en même temps que ces organes seront des conditions facilitantes, mais non absolument nécessaires, de son langage ? C’est une des questions que l’enfant peut se poser. Il remarque une nette différence entre les deux modes d’échange alimentaires qui vont se faire jour successivement dans sa vie, les premiers se faisant dans une captation contemplative et symbiotique avec celle qui lui donnera son sein et à qui il ne prendra que de la substance faite pour lui ; les seconds introduisant dans l’acte d’échanger des aliments un tour certes plus altérophile en ce sens qu’ils s’accompagneront d’un échange de paroles et de joie tapageuse. Mais quelque chose avertira l’enfant qu’il est entré dans une dimension plusomnivore, celle d’une chaîne alimentaire où il ne pourra se nourrir et assurer sa vie qu’au détriment d’un autre vivant que, non seulement, il s’assimile, mais au sort duquel, plus il avance dans l’amour du manger et plus il sera indifférent. Si l’on voulait exprimer le sentiment très ténu dans lequel s’effectue cette transition, on pourrait dire qu’elle est contenue dans l’apposition, dans la Promesse divine, qui dit qu’on trouvera sur la terre où se consommera l’Alliance de Dieu et de son peuple, « le lait et le miel ». Le lait, c’est ce qui se puise du sein maternel, une substance comestible faite pour l’âme presque par génération spontanée encore que, dans l’absolu, bien sûr, il faille que la mère se nourrisse pour pouvoir donner du lait à son enfant. Quant au miel, il est plus sucré que le lait (quand j’étais enfant, j’étais tellement dégoûté du lait qu’on me donnait du lait sucré ; il passait à peine davantage) ; mais ce n’est pas pour rien qu’être mielleux est passé en adjectif : le miel est plus adhésif, mais surtout il n’y a rien qui ne pille davantage et qui ne s’entende mieux que le miel à dissimuler son pillage. Le miel est pillé aux abeilles qui elles-mêmes le fabriquent en pillant leur pollen aux plantes et en commettant ce pillage en papillonnant, de même que le meilleur aspect où nous nous sentions de notre vie, c’est de papillonner, non sans que ce papillonnage ne puisse à l’avenant être ce que nous pouvons faire de plus cruel : car quand nous papillonnons, nous volons de serment en serment, ainsi que les abeilles butinent de fleur en fleur ; et pourtant, le papillon est l’image de l’âme, sans doute parce qu’il est insoucieux d’être inconstant autant que parce qu’il met longtemps à sortir de sa chrysalide.

L’enfant n’a pas besoin de dents pour passer du lait au miel, de même qu’il n’a pas absolument besoin de dents pour accéder au langage, si ce n’est que, s’il n’a pas de dents, il ne pourra pas prononcer les dentales. Les dents lui poussent comme cet instinct proverbial d’accepter de découper du vivant et de s’en trouver néanmoins en joie. Ses dents lui poussent comme une acceptation d’entrer sans scrupule dans la chaîne alimentaire. Et cependant, la délicatesse de son âme n’en reste pas moins rebutée par ce qu’il doit faire pour assurer sa survie. Puisque quelque chose l’avertit qu’il doit se détacher de sa mère, du moins ne voudrait-il ne se nourrir que d’air ! Il voudrait ne se nourrir que de ciel si l’air est l’élément du ciel et le ciel l’élément dans lequel s’épanouit naturellement son âme. Ses dents lui on tpoussé proverbialement comme une façon de parler en mangeant, c’est-à-dire en n’ayant garde d’être un voleur en devant se soumettre pour survivre aux lois de la chaîne alimentaire. Ses dents lui ont poussé pour parler en mangeant, cependant que son cœur, qui fait le pont entre les nécessités biologiques où il est de s’alimenter et d’excréter ce qui est entré en lui, pour le faire à nouveau circuler dans la nature, cependant que son cœur fait s’insurger son âme d’avoir, en s’emparant de vivant de ses dents caleuses, à être un voleur. Or le Verbe en Se faisant chair, l’accompagne dans ce rapport contrarié qu’il a avec la nourriture. Par où l’on voit en passant que la chair n’a rien qui la prédispose à aimer faire bonne chère sans un mouvement de recul qui est mal assorti aux sentiments primaires qu’on lui attribue de prime abord, de ne penser qu’à faire bombance. Aussi vrai que la chair pense, c’est pour moins se vivre à mal qu’elle va transformer son anorexie en gloutonnerie plus ou moins gourmette et gastronome. Le Verbe va apprendre à la chair à aimer parler en mangeant. Le Verbe va dispenser Son Enseignement à la chair essentiellement au cours de repas bien garnis et, pourquoi pas, bien arrosés. La Personne Physique du Verbe incarnée en celle de l’Homme-Jésus va même se laisser traiter de « glouton » et d’ »ivrogne ». Pire, elle va même laisser entendre que Dieu contrevient au septième commandement en L’assimilant, à la faveur d’une parabole, au « voleur » dont le maître de maison ne peut s’attendre au moment précis où il va venir procéder à son cambriolage. Or en quoi Dieu pourrait-Il voler une maison dont, au mieux, Il Est le Maître et à Qui, au moindre, elle est dédiée ? La parabole ne nous le dit pas : elle se contente d’assimiler Dieu à un voleur sans vouloir que nous y cherchions davantage et en nous recommandant au contraire implicitement de nous laisser surprendre par cette contravention de Dieu même au commandement que Lui-même a prononcé pour que nous soyons heureux sur la terre et ne vivions pas en infraction avec les lois de la vie. Or Dieu, à qui la chair ne cesse de demamder :
« Pourquoi nous demandes-tu de nouss oumettre aux lois de la chaîne alimentaire » ? »
semble avoir disposé des lois de la vie qui vont à l’encontre de la pure oblation et semble vouloir commencer par nous apprendre à contrevenir à cette oblation en se mettant lui-même en infraction avec notre idéalisme originel d’enfants abandonnés. Il le fait avec le secours de son verbe pour nous préparer au retournement futur que celui-civa opérer.

Ce second retournement, cette quasi conversion du verbe de la chair à notre âme, consiste à ne pas répondre à la question que nous avons posée au Père de la vie et qui consistait à Lui demander comment la chaîne alimentaire pouvait le aucunément s’accomoder de l’oblation. D’une façon qui n’avait rien de médiocre bien que son nom soit désormais associé à un personnage caricatural du fait de la pièce d’edmond Rostand qui ne peint pas l’écrivain véridique, Cyrano de Bergerac nous avait enseigné à nous consoler de manger du vivant en lui redonnant vie en nous, si bref qu’y dure son passage par notre corps. Cela n’était pas une piètre leçon, mais elle ne suffit paps au verbe qui, après que nous avons été dotés de la dentition pour pouvoir découper du vivant et nous l’incorporer dans notre ventre, Veut Epouser à nouveau la logique d’oblation après laquelle languissait notre âme alanguie dans la chair. Le Verbe rétablit la logique d’oblation qui avait été rompue par la chaîne alimentaire ; c’est pour la parfaire en ayant à la rétablir qu’Il l’avait sans doute laissée se rompre, comme on sait qu’il ne saurait y avoir de véritable apprentissage qui n’aboutisse à une leçon d’ignorance après avoir désappris, mais non après s’être complu dans le non effort d’un refus d’apprendre. Il n’y a pas de mémoire dont la fin ne soit l’oubli afin qu’elle puisse culminer dans l’anamnèse ou le mémorial. De même, le Verbe a rétabli la logique d’oblation après l’avoir laissée se rompre pour la parfaire, pour l’accomplir, pour l’achever de perfection. Et Il a rétabli cette logique d’oblation en s’incorporant à la chaîne alimentaire pour nous apprendre qu’après avoir mangé d’une substance, le lait du sein de notre mère, qui n’était faite que pour nous seuls, après avoir légitimement désiré retourner dans ce sein, il nous fallait « nous donner nous-mêmes à manger », car notre destin était, comme le sien, eucharistique. En l’accomplissement de cette part de notre destin pourrions-nous retrouver la similitude qui nous Le ferait assimiler et nous laisserait assimiler au point culminant de l’amour, dans le comble d’une oblation qui serait parvenue à ne plus être sacrificielle pour devenir le don de notre âme, comme c’est l’âme de la divinité à travers Son sang que le verbe nous donne à manger, signifiant, par cette divine Transfusion que l’essentiel de la Rédemption consiste au moins autant en la satisfaction-révélation d’un destin eucharistique qui devaient devenir commun à la chair et au verbe, qu’en notre affranchissement par « la loi du lévira » (ou du rachat) que le verbe nous aurait obtenu par l’effusion de Son Sang : rachat sans doute aux lois de la nature, mais non au Châtiment de dieu, car il ne saurait y avoir de dissociation des Volontésentre celle du créateur et celle du Rédempteur. Peut-être le Fils a-t-Il dû racheter ce qu’extrinsèquement à sa finalité créatrice, comme le suppose teilhard de Chardin, la nature a voulu arracher à ses lois pour forger les siennes en toute indépendance, d’où la divergence entre Yahvé et elohim, hypothèse que je prends la responsabilité de risquer un peu témérairement. Mais « d’un regard », comme le dit Saint-thomas d’aquin, le Père aurait pu décider que notre rédemption ne fût pas acquise à si grand prix que l’effusion du Sang de Son fils. Aussi devons-nous être portés à croire que la révélation première de la transfusion du sang du verbe dans notre chair desséchée a voulu nous apprendre qu’eucharistique était notre destin, que nous devions nous donner du fond de l’âme pour retourner au sein du Père, y déguster le lait de Sa Bienveillance et Tendresse Première pour les créatures que Son Amour et Sa Bénignité ont appelées à la vie !