mardi 22 décembre 2015

Conversation restituée


(Ave Simon, mon neveu et filleul, dont je me réjouis, comme me l'a dit Nathalie, qu'il soit devenu mon ami).

 

Le Verbe est le sujet de la parole, inversion des fonctions dans la phrase. Donc en-deçà de la parole, il n'y a pas le langage qui serait venu s'incarner dans l'écriture, d'où serait sortis l'Histoire diurne et l'Inconscient onirique, hypnotiquement structuré comme ce système en équilibre que serait la langue, illusionniste comme cette mythologie qu'est la foi des modernes, où le mythe serait vivant de revêtir une valeur existentielle.

 

Au-delà du sujet de la Parole, il y a son incarnation dans la vérité qui ne parle pas et qui est toujours nue. Cette incarnation n'est pas un habillage, comme l'est la littérature qui, avant de devancer nos croyances par l'illustration qu'elle en donne, est une mise en scène de la vérité. La vérité qui s'incarne ne se met pas en scène. C'est la bouteille à la mer d'une parole qui se lance, et que la rue ne peut pas faire autrement que de ramasser. C'est une parole qui se lance pour devenir enseignement de rue. Ce n'est pas, comme la littérature, un  ensemble de phrases qui se perdent dans le flux d'un texte, trop fluide pour être essoré. La bouteille à la mer de l'évangile s'est retrouvée sur la place du marché, car la Vérité incarnée a voulu montrer à l'homme comment, pour devenir poème, il ne s'agit pas de compter les pieds qui composent les vers, mais de trouver la scansion de la phrase sobre et définitoire, la scansion de l'aphoréstique, dont le canon n'est plus : sujet, verbe, complément, mais sujet, verbe, attribut. La phrase doit devenir thème.  Le thème est la fonction de la phrase. L'attribut est le sujet de la phrase énoncée au sujet du "sujet de la parole" qu'est le Verbe. L'attribut comme action se noie dans le Verbe elliptique de l'être.

 

 

- Dans la langue, les phrases se cassent la gueule. La règle de la conversation, c'est l'interruption. On interompt souvent pour prévenir la chute du tombeur de phrases. La politesse n'est pas la règle, qui laisse un interlocuteur aller au bout de son propos. Mais l'art, c'est sa perfection, érige l'exception en règle. Ainsi fait l'art de la conversation, qui impose de ne pas interrompre, politesse de la règle transgressé journellement par les journalistes qui, de ce que la conversation  se casse la gueule sur les tombées de phrase et les points de suspension de l'interlocuteur qui est pressé de ne pas aller au bout, anticipent de l'interrompre, comme si sa part de vérité devait se perdre dans les sables du sous-développement de l'idée.

 

 

- L'abolition de l'inceste marquerait le passage de l'homme de la barbarie à la civilisation. Notre juridisme très civilisé ne s'en est aperçu qu'il y a quelques années en prohibant la licéité tacite des relations entre frère et soeur. Mais les religions plus andogames avec l'hôte intérieur n'ont pas versé dans cette hypocrisie. D'abord le monogénisme a fait de l'inceste la condition de la croissance de l'espèce. Et puis la religion a voulu chercher quel était, de tous les incestes soumis comme Œdipe à l'exposition, le plus sacré. Elle a jugé immature et malsain que le fils épouse et couronne sa mère, qui veut l'empêcher de se crever les yeux quand il s'aperçoit de sa méprise.Ainsi plaide Jocaste contre Œdipe qui veut la quitter. Mais la religion sublime le geste des filles de Lot et déclare que la relation des filles au Père est sacrée. Comme les filles de Lot, la Création doit être enceinte duCréateur.

 

- La France se croit universelle d'avoir répandu depuis la Révolution un discours qui se croyait humain. Les cités unies de l'Achéie, précurseurs de vingt-cinq siècles des Etats-Unis d'Amérique, ont lancé dans le monde une sagesse universelle et rationnelle, un peu négatrice des enchantements divins. Cette sagesse était sans lumière. Les juifs ont réalisé l'universel en amalgamant des Russes, des germains et des Arabes, dans une même nation à promesse territoriale lointaine et sous condition éthique. Ils ont corrigé leur torah dans l'islam et fait advenir un messianisme spirituel dans le christianisme et un messianisme temporel dans les utopies égalitaires. Les juifs se croient supérieurs pour que l'humanité le devienne. Ou l'humanité leur trouve un complexe de supériorité, car elle ne se croit pas biein représentée par eux. L'universalisme grec ou français est un accident de l'histoire, l'universalisme juif est constatable et génétique. Or il est d'autant plus paradoxal qu'il a un fond territorial.

vendredi 11 décembre 2015

Culpabilité et justification


On peut passer sa vie à se justfiier, à se douaner et à se dédouaner. Tout ne serait une fois de plus qu'une affaire de douane et d'assumer ou pas la part de culpabilité réelle dont nos vies sont marquées et marquent la vie des autres. Assumer la culpabilité n'est pas le fait du chrrétien, assumer n'est pas le mot. Il lui appartient seulement de ne pas nier l'acte coupable.

 

Il n'importe pas qu'il ne la nie pas devant les hommes. S'il choisit de ne pas le faire, il se trouve animé d'une passion de la vérité qui est davantage une passion de l'authenticité ou de la sincérité qu'une passion de la vérité proprement dite, qui est d'essence ontologique et métaphysique, mais non pas existentielle. Si un homme est animé d'une telle passion de la vérité qu'elle se limite à l'authenticité, il en concevra un goût de la liberté qui se limitera à prendre ce mot dans son sens élémentaire et à mon avis pour ce qu'il est : la liberté, c'est la capacité de choisir. Un tel homme n'est pas guetté par l'hypocrisie. Je suis à peu près cet homme-là, animé par une passion simple de la vérité authentique ou de la véridicité et concommitamment pour la liberté de choisir ou pour le libre arbitre. Je ne me sens hypocrite que quand mon visage se fige à mon insu d'entendre ma voix donner son assentiment, par diplomatie, à des opinions que je ne partage pas, mais ça m'arrive plutôt rarement.

 

Au rebours, l'homme qui est animé de la passion de la vérité ontologique telle qu'il croit la percevoir, sera animé de façon corolaire d'une passion de la liberté qui ne sera pas le libre arbitre, mais celle de choisir le bien et d'être libre du mal. Comme il se croit délivré du mal, il se croit libre du mal alors que moi qui crains d'être un sujet de hantise de l'esprit du mal, je prie pour être délivré du mal. L'homme qui croit détenir la vérité et ne faire usage de sa liberté que pour choisir le bien, est prompt à juger son prochain, car c'est en son prochain qu'il voit le mal qu'il ne voit plus en lui-même. Et il sera prompt aussi à l'hyypocrisie parce qu'il se voilera la face, se mentira à lui-même et croira avoir atteint le but du bien et du beau qu'ilembrasse dans la contemplation et par la considération des idéalités et des finalités ontologiques, qui ne sont pas réalisées. Toujours cette différence entre vérité et réalité : le véridique, mon premier type humain, est un réaliste, il a la passion du réel ; le véritable est un idéaliste

 

N'importe que les hommes choisissent tel ou tel type humain, telle attitude devant la vie, les uns ayant la passion de la lucidité et de la liberté, les autres de la vérité et de la liberté spirituelles, même si le plus spirituel n'est pas nécessairement celui qu'on croit, si qui trop fait l'ange fait la bête, parce que le christianisme aintroduit à un suprême degré le paradoxe – le christianisme est le paradis du paradoxe - : Dieu renverse la table et les puissants de leur trône. Celui qui se croit être quelqu'un ou quelque chose est souvent le contraire de ce qu'il croit. Le bon usage de la culpabilité en christianisme est de ne pas la nier. Facultativement de ne pas la nier devant les hommes comme un homme passionné d'authenticité et de libre arbitre, en toute hypothèse de ne pas la nier devant Dieu avec l'homme passionné de liberté et de vérité ontologique et spirituelle. Mais ne pas nier ses actes coupables n'est pas les assumer et encore moins les justifier. La confession n'est pas la justification. Ce qui constitue la justification est que les actes confessés sont assumés par un Autre qui les efface jusqu'à nous les faire oublier.

On n'a ni à se douaner ni à se dédouaner. On peut reconnaître le point de passage en soi de la frontière du bien et du mal, maison a passé la frontière. On est de l'autre côté du côté obscur de la force. On reste dans l'"ambivalence des sentiments" et on ne croit plus que c'est l'intention qui compte, mais on n'a pas à faire coïncider nos intentions avec leur résultat que sont nos actes. On est responsable de ses actes, mais c'est Dieu Qui juge le résultat. Ce n'est pas exactement qu'Il le juge, Il letransforme, Il le produit. Il le produit parce qu'Il est notre justification, sans aucun mérite de notre part, du seul fait que nous ne sommes pas dans la dénégation. Dieu peut justifier qui Le renie, mais Il ne peut pas justifier qui se renie.

 

La Rédemption est un transfert de justification : je n'ai plus à me justifier dès lors que je me reconnais. Plus je vais et plus je trouve que le dogme chrétien le plus extraordinaire est la rémission des péchés. La rémission des péchés ne fait qu'exprimer au sens plein ce qu'est la Rédemption. C'est peut-être pourquoi le credo ne comporte aucun article qui mentionne expressément la Foi en la rédemption. Quand on confesse croire en la rémission des péchés, on ne fait que dire en le développant qu'on croit en la Rédemption. Et la Rédemption est un transfert de responsabilité par lequel Dieu Qui nous a créés devient responsable de nous-mêmes. C'est un transfert de responsabilité et de justification qui ne nous coupe pas les jambes, mais qui nous demande d'avoir les pieds sur terre et la têteintègre et lucide, "un fond éthique imprenable" comme me le disait Hervé, une pleine conscience de ce que nous faisons, que ce soit enbien ou en mal, puisque ce n'est pas nous qui transformons le plomb en or ni le mal en bien.

 

Quand nous nous demandons pourquoi nous aurions à être sauvés puisque nous n'avons pas demandé à naître, nous posons une question légitime, mais qui passe à côté du problème. Nous raisonnons comme si nous avions à nous justifier. La Rédemption, c'est l'affirmation que nous n'avons pas à nous justifier puisque Dieu en nous créant, S'est engagé vis-à-vis de Lui-même à être responsable de nous. Nous n'avons plus qu'à être au diapason de ce transfert de justification. Cela peut commencer par nous donner une latitude jubilatoire : "Aime et fais ce que tu veux", nous exclamons-nous pour prendre de l'envol. Mais bientôt nous manquons de souffle. Nous prenons de l'envol, mais bientôt nos ailes sont coupées, car le revers de la médaille, c'est que notre libre arbitre n'est jamais si grand que nous puissions prétendre être les créateurs de quoi que ce soit. Nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu.

 

Dieu a pris la responsabilité de nous sauver parce qu'Il nous a créés. En contrepartie, nous ne créons jamais pleinement. Nous retrouvons de l'existant, nous organisons avec le Créateur d'autres combinatoires, mais nous neforçons pas le destin. Nous créons dans un périmètre parce que nous sommes paramétrés : "Tout vient de Lui, tout est pour Lui, qu'Il nous délivre !" C'est en ce sens que les austères qui ravalent la liberté  à une liberté de ne choisir que le bien n'ont pas tort : nous ne sommes libres que dans un certain périmètre.

 

Le changement de regard sur la culpabilité humaine permet à la faculté de juger de s'exercer en sortant du manichéisme. Pour moi, personnellement, humainement, existentiellement, pour l'équilibre de ma pensée, il est très important de pouvoir juger sans être manichéen. La sortie du manichéisme permet à la faculté de juger de s'exerceren toute liberté. Elle lui permet de s'exercer sans violer l'interdit de juger, car l'interdit de juger n'exprime qu'une seule chose : c'est que l'homme n'est pas la mesure du bien et du mal, et surtout pas la mesure du bien et du mal d'autrui. C'est pourquoi l'Eglise, qui a toujours affirmé qu'il y avait un enfer et dont les plus généreux membres ont espéré qu'il n'y avait personne dedans, s'est toujours interdit de dire qui était en enfer. Il n'y a que Dante en raison de la poésie ou Sainte-Thérèse d'Avila par vertu visionnaire qui se soient affranchis de cet interdit et permis de dire qui ils voyaient en enfer, mais ils l'ont fait de façon métaphorique et ont jeté en enfer tous leurs ennemis, comme Luther pour Sainte-Thérèse d'Avila et, pour Dante, tous ceux qui n'étaient pas de sa brigue. Ils ont jeté leurs ennemis en enfer parce qu'ils n'avaient pas complètement accepté le transfert de justification que constitue la Rédemption.

 

samedi 21 novembre 2015

La France en guerre?


Vivons-nous une preuve de la loi de l'entropie historique, ou une grande régression historique, aux antipodes de l'hégélianisme triomphant méconnaissant le tragique de l'histoire, à travers les événements traumatiques que la France traverse depuis le 13 novembre ?

 

S'il faut les commenter, ils ne me semblent être que la réplique trop prévisible de la logique d'ingérance dans laquelle l'Occident s'est enfoncé depuis la première guerre du golfe. C'est une chose que je puis me targuer d'avoir prévue, même si je me garderai bien d'avoir ici le prophétisme triomphaliste.Et je ne m'en garderai pas pour faire étalage de bons sentiments. Au contraire, j'ai mauvais esprit et quand j'assistais, à Lisieux, à l'effondrement des tours jumelles, je me suis dit que c'était bien fait pour les Américains, qui étaient châtiés de s'être crus invincibles et d'avoir bâti le Temple du capital qui tombait maintenant comme babel, tout en servant de prétexte à leur future guerre contre Babylone. De même, quand est arrivé Charlie, je ne me suis pas réjoui de la mort des dessinateurs, mais je me suis dit que, si on prétendait à la civilisation comme on nous en rebattait déjà les oreilles, le revers de la civilisation était la responsabilité, et il fallait donc que les dessinateurs, châtouillant des gens qui avaient la kalash facile, assument d'être, le cas échéant, des martyrs du droit au blasphème. Mais devant ces derniers attentats, je ne suis, comme tout mon peuple, que tristesse. Je le suis comme Fatima, qui m'a dit, elle, la femme voilée, que ces terroristes étaient le cancer de l'islam et son cancer personnel.

 

Or on ne soigne pas le mal en redoublant le mal. Personne ne s'est ému que l'adversaire de Marine le Pen dans le Nord pas de Calais, Xavier Bertrand, ait pu parler d'exterminer l'ange exterminateur (au cours de l'interview qu'il a accordée hier matin à Jean-Pierre Elkabbach… Dès le lendemain de ces attentats, tous les politiques invités par Laurent Ruquier à l'exception du front national qui n'avait pas voix au chapitre se sont empressés de dire que nous étions en guerre. Il n'en fallait pas plus pour que Hollande enfourche le cheval de bush en faisant de "la France est en guerre" l'incipit de son discours au congrès de prétendant à la dictature, qui voulait réformer la constitution pour cela, Hollande a trouvé ce dérivatif.

 

Manuel Valls ne tient que par la désignation d'un ennemi de la République en danger, ennemi qui est, tantôt le Front national, tantôt les terroristes islamistes. Ce llicencié en histoire, qui a fait toute sa carrière dans la communication et l'intrigue politique et qui est l'impuissance incarnée au pouvoir, aurait été renversé depuis longtemps s'il n'avait su (pour combien de temps encore ?) liguer tous ses adversaires contre les ennemis qu'il leurprésentait comme un os à ronger. Or ces adversaires chienchiens étaient aussi bien les frondeurs de sa majorité que les cathos de "la manif pour tous" ou que les jeunes de la mouvance dieudonno-soralienne. Je lui donais six mois, Charlie a été son sursit.

 

Quant à Hollande, le petit garçon qui bafouille en annonnant les discours qu'on a peut-être écrits pour lui et qu'on sent régulièrement assailli de douleurs arthriques à moins qu'il ait mal aux reins, il ne pouvait exister que comme dérisoire chef de guerre s'écriant que l'accueil qu'il avait reçu au Mali était "le plus beau jour de sa vie politique". Il présente à la tête de l'Etat un curieux composé de Guy MOllet et de George bush junior. Il nous refait le coup de "la pacification" de "la barbarie" par les "races supérieures" civilisatrices. Ce n'est pas pour rien que sa visite au Panthéon a été l'inauguration d'une statue de Jules Ferry.

 

Mais rien de ce qu'il dit n'a un caractère opératoire. Par exemple (et c'est plutôt rassurant), ce n'est pas parce qu'il dit que "la France est en guerre" qu'elle l'est en effet. Lors de la guerre d'Algérie, les gouvernants ne se sont pas précipités pour parler de guerre. On ne parlait que d'"événements" alors qu'on faisait face à une guerre réelle. Aujourd'hui, on parle de guerre parce qu'on n'a affaire qu'à des événements.On sait depuis 2001 que "la guerre contre le terrorisme" est un monstre conceptuel, puisqu'on ne peut pas faire la guerre à un ennemi par nature indéterminé, donc indéfini et donc infini. C'est une guerre ingagnable, imperdable aussi en un sens, mais plus ingagnable qu'imperdable, surtout quand on sait d'où on vient, nous qui avons le culte de la résistance, alors que les résistants étaient désignés comme des terroristes par les nazis.

 

Ces crimes en série d'une ampleur exceptionnelle devraient être traités de manière événementielle parce  que ce sont des événements. Ce sont des faits divers à grande échelle, et une recrudescence de la criminalité à effet mondial desquels on prend prétexte pour feindre d'ordonner une mobilisation générale pour garantir  l'immobilité des peuples exaspérés. Les sociétés dirigées par une administration en roue libre et par une finance qui en exige l'austérité pourraient se rebiffer. On les berce d'une bonne guerre qu'ils n'auront pas à faire pour que les populations non enrôlées se tiennent tranquilles.

 

La preuve que rien de ce que dit Hollande n'a un caractère opératoire peut être tirée de l'analyse de la première décision qu'il a annoncée, le soir même de ces attentats. "sur ma décision, tenait-il à préciser, les frontières seront fermées." Le Président prenant la douane de court, celle-ci fit observer que ce n'était pas possible sans un peu de préparation. Un quart d'heure plus tard, l'Elysée corrigeait Hollande : les frontières n'étaient pas fermées, mais on rétablissait le contrôle aux frontières. Encore un quart d'heure plus tard, on se souvenait que ce contrôle aux frontières était déjà rétabli depuis le jour même en vue de la conférence où les chefs d'Etat se réuniraient à Paris en croyant, tels des rois primitifs et préhistoriques, avoir prise sur la météo. Donc Hollande n'avait pris aucune décision et eût-il décidé de fermer les frontières, c'était en notoire incohérence avec la manière dont il les avait ouvertes toutes grandes pour accueillir "les migrants", volant comme des oiseaux perdus depuis la sirie en feu. Hollande a depuis tenu, dans son discours au congrès, à ce que le contrôle aux frontières ne contrarie pas le mouvement des réfugiés. Or tout indique qu'il faut faire une pause migratoire si l'on veut retricoter le lien social et si l'on veut que tous ceux qui sont là, nationaux ou étrangers, soient encore intégrés dans la société qui se défait à vue d'œil sous l'effet d'un paupérisme organisé ou endémique. Qui aurait osé murmurer contre l'afflux récent des migrants ou supposer que des islamistes pouvaient se mêler à ces migrants, aurait été accuser d'inhumanité ou d'obscurantisme xénophobe. A présent, nous savons que deux réfugiés siriens, y compris deux djihadistes partis et revenus de Sirie malgré un mandat d'arrêt international, étaient mêlés aux terroristes.

 

Jamais je ne dirai comme Aymeric Chauprade qu'il faut liquider les djihadistes qui sont partis en sirie. Jamais non plus il ne me viendrait comme à Valls l'idée d'empêcher quelqu'un qui a une cause à défendre d'aller la défendre. Il était contraire à toutes les libertés de criminaliser le départ des djihadistes, mais on pouvait criminaliser leur retour. Non seulement on ne l'a pas fait, et les djihadistes sur le retour sont passés dans les trous de la passoire au lieu de passer à travers les mailles du filet des services de renseignement pris à contre-pied ; mais encore, les "musulmans du quotidien" se demandent avec anxiété s'ils ne vont pas être pris dans  l'amalgame. On peut les rassurer en disant qu'on n'amalgame aux terroristes que les jeunes à la casquette à l'envers, que les jeunes de cité, que les jeunes de la petite délinquance avec ce vivier de la grande délinquance et de la grande criminalité dans lequel puise Daesh.Mais surtout on peut se demander pourquoi le gouvernement a l'air de n'interdire à cette petite délinquance que de devenir djihadiste. Tant qu'elle trafique dans l'économie informelle, on lui promet l'impunité. Mais qu'elle devienne djihadiste, on l'exclut de l'humanité. La dernière trouvaille est qu'il ne saurait y avoir de guerre de civilisations puisque nous serions les seuls civilisés et qu'en face de nous, il n'y aurait que des barbares. On a oublié que, selon Claude Lévi-Strauss, le barbare est celui qui croit en la barbarie. Nous, on "kife la life" quand les autres ne seraient que dans la pulsion de mort. La psychanalyse nous avait appris "l'ambivalence des sentiments" et des pulsions, nous voilà univoquément dans le bien face à "l'axe du mal".

 

"tous les malheureux ne sont pas méchants, mais tous les méchants ont été malheureux". Ceux qui détruisent ont commencé par souffrir avant de vouloir détruire. Il reste que détruire paraît la seul raison d'être de l'islamisme violent. Le problème de l'islam est qu'il conçoit des sociétés harmonieuses solubles dans la loi et que cela est incompatible avec la condition humaine, qui est radicalement sans solution.

 

Qu'est-ce enfin que daesh ? dans un livre tout à fait "grand public" paru il y a une dizaine d'années, Antoine sfeir, le neveu franc-maçon de l'ancien patriarche maronite,  expliquait que les Américains comptaient organiser "un grand Moyen-Orient" au moyen d'Etats confessionnellement homogènes, construits sur la ruine d'Etats come le Liban et la Sirie, subjugués par des organisations paramilitaires financées par la CIA. Comme le Hamas a été originairement une création d'Israël, comme benladen fut une créature des Américains, Daesh et son kalif seraient des pions qui, soit auraient dépassé les souhaits de leur donneur d'ordre, soit se comporteraient en agents d'un désordre mondial, qui garantit l'hégémonie des puissants du jour par une forme inédite de guerre mondiale. La guerre contre daesh n'aurait donc pas pour but de détruire l'enclave, mais de s'assurer qu'elle ne gagnera de terrain que dans la mesure fixée, tout en garantissant à l'intérieur des puissance belligérentes, la stabilité des sociétés en crise.

 

Méditations barthésiennes


Envie de lire, envie d'écrire, avec ce paradoxe qu'on écrit pour fixer sa pensée et au hasard de ses envies, pour surprendre dans quel ordre surgissent ces envies d'écrire et si cet ordre est moral.

 

Kevin a téléphoné à Nathalie, c'est ce qu'elle attendait depuis neuf ans.

 

Je suis tranquille, j'ai commencé par là, j'aime Nathalie.

 

Mais je suis en train de lire Virginia Wollf et son roman les vagues, que je trouve nettement supérieur à la promenade au phare, que Pierre bourdieu a préféré commenter.

 

Il y a une irrisation esthétique qui s'étend comme une gerbe (j'emprunte le mot à Virginia), d'elle à Nathalie Sarraute, ou encore à Proust et à falkner.

 

Que pouvait penser la Nathalie Sarraute de l'ère du soupçon des Vagues de Virginia Woolf, sachant qu'elle détestait que le romancier typifie des personnages, et que les vagues ne sont que l'expérience littéraire d'une typification poussée jusqu'à son terme ?

 

Parmi les types proposés par Virginia Wollf dans les vagues, c'est dans Bernard que je me reconnais. "J'invoque Bernard", je suis Bernard. Je pourrais m'identifier à Louis parce qu'il a "une pyramide sur les épaules", et Nathalie m'a dit souvent que j'avais un rocher sur les épaules. Mais non, je ne comprends rien aux pyramides.  L'Egypte ne m'a jamais faxsciné. Je mourrai comme bernard en regrettant de ne pas avoir lu les védas.

 

Virginia Woolf annonce Falkner parce qu'elle parle d'un poème sans ponctuation.

 

Elle me renvoie aussi à ce que les gardiennes de la maison de la petite Thérèse aux buissonnets me disaient, coomme j'étais en visite à Lisieux aux alentours du 11 septembre en pensant à ma cousine Nathalie qui rêvait de "réaliser ses yeux" : un seul livre suffit. Les gardiennes des buissonnets ne se lassaient pas de relire sainte-thérèse et d'avoir les manuscrits de Sainte-thérèse pour unique livre de chevet. Les manuscrits autobiographiques ayant servi à la récollection de l'histoire d'une âme leur paraissait le seul livre digne de mériter une exégèse. Je ne peux me résoudre à ce que la Bible ne soit pas le seul livre à mériter l'effort exégétique, et c'est pourquoi je m'en prends à la culture dont j'accuse l'arbitraire, cependant que je ne supporte pas que l'on concilie foi et mythologie.

 

Je me réjouis de pouvoir lire des Virginia et des Nathalie(s), ces prénoms si beaux.

 

Je me dis que le type dans lequel se retrouverait Nathalie, ma cousine,  dans les vagues de Virginia woolf serait roda qui a fini par haïr les hommes dont les paroles interrompaient ses pensées et parce que les voir si sûrs d'eux dénonçait son décalage.

 

Je me dis aussi que l'auteur des mythologies, Roland barthes, a subverti notre perception du Logos en incarnant le Verbe, non dans un corps, mais dans un langage, à la structuration duquel serait configuré ou métaphoriquement analogué notre inconscient, dont le mystère vient se perdre dans ce faux équilibre du "système en équilibre" que se croit la langue, pensée par les linguistes comme une balance bien régléeentre règles et variations. Le Verbe incarné dans le langage résout le déterminisme de l'écriture, mais ne résout que cela.

 

Dans Les vagues de virginia Woolf, Louis ne se console pas d'avoir "une dissonance à résoudre, une erreur à corriger", et se prépare à vieillir en frappant de sa canne à pommeau les pavés de sa cité. Je me suis souvent dit que l'essence de l'harmonie était de démontrer que rien ne pouvait se résoudre, comme l'essence de l'écriture est de montrer que rien n'est plus déterminé que le génie. Le génie est le refuge du génitif, du complément de détermination, et la preuve que la création se fait par imitation, selon l'idée d'Alain, qui oppose la liberté à la voie de l'imitation.

 

Sur Alain,l'incandescence est l'état naturel de ce grand timide.

 

J'ai écrit à alain qu'il ne pouvait se faire à mon narcissisme, mais mon narcissisme est plein de visages.

 

Tout à l'heure, me suis entretenu successivement avec Agnès et N.t., et j'ai préféré l'entretien avec Agnès, parce qu'entre nous, il y avait une vraie relation. De quoi me demander si F. carrigère n'a pas tout de même raison de postuler que l'homme est relationnel. Les égolâtres ont établi paradoxalement que la relation subsume l'individu, qui ne se justifie pas sans elle. La primauté accordée au langage sur le corps s'explique dans la logique relationnelle, dont procède l'insertion du Logos dans un "système" trinitaire, mais non pas en tant que verbe et que verbe incarné.

 

Hier, Maryse m'a déboussolé en me soumettant une interprétation assez curieuse du refus du "filioque" par les orthodoxes.Pour elle, que l'Esprit ne procède pas du Fils voudrait dire qu'à supposer qu'il y ait pluralité des mondes habités, il y aurait un christ différent par espèce à sauver, et le Christ que nous adorons n'est en effet que "le Fils de l'homme". J'ai voulu lui opposer Steiner pour rester dans son monderéférentiel, mais elle avait prévenu mon objection en disant qu'elle s'opposait à lui sur ce point comme sur bien d'autres. Je me suis rabattu sur l'argument qu'à supposer qu'il y ait autant de figures incarnées que d'espèces à sauver, il n'en demeurerait pas moins qu'unique serait le processus de christification, au terme duquel l'Esprit procède bel et bien du Père et du fils, dans la mesure où ce n'est rien d'autre que leur Amour qui plane sur tout ce qu'ils ont l'intention de créer.

 

Il y a toi, il y a moi, et il y a la relation, dit-on aux amoureux. Ca paraît absurde, et pourtant c'est au fondement du "système trinitaire".C'est aussi ce qui permet de dire qu'il n'existe jamais si grand narcissisme qui ne soit à base relationnelle, soit qu'il ait besoin de relations pour se montrer comme narcissisme, soit que des êtres en relation avec le narcissique le justifient en l'idéalisant, parce qu'il vit sans sublimation au paradis retrouvé de l'âme, innocente d'être nue.

 

En quoi l'Esprit procède bien du Père et du Fils me paraît beaucoup moins difficile à concevoir que l'association par laquelle le Verbe est Fils.

 

Pourtant, ce matin, je me suis senti fils, je ne sais pas pourquoi. Je me suis dit que je vivais ces choses en tant que fils. et cela m'a ramené à ce rêve où j'ai entendu la voix de ma grand-mère maternelle que je n'ai jamais connue. Je ne l'ai pas à vrai dire entendue, mais je l'ai imaginée. Nous revenions d'un enterrement avec Nathalie, ma mère et Théodor, mon grand-père, de qui je dois rêver une fois tous les dix ans. Et là, chez ma mère, en prenant l'apéritif, nous regardons un film super 8 (mettons que ce soit un film super 8), où l'on voyait comment Théodor s'était lancé à la conquête de ma grand-mère maternelle, une grande dame, vers laquelle son avion, progressivement,fondait. D'abord elle ne le voyait pas ; puis elle perdait son premier mari auquel Théodor l'enlevait. A ce moment, gilles a surgi. Il était important qu'il surgisse puisque ce documentlui était destiné. C'est lui, l'archiviste de la famille, lui qui s'intéresse aux documents. Mais c'était pour moi que dans le film, on entendait la voix de la conquête de mon grand-père, voix qui toujours le surplombait, tandis qu'il s'affairait autour d'elle, perpétuant son engagement jusqu'à lui survivre, et le perpétuant dans l'appartement même au couloir longiligne qui avait été le cadre de la deuxième partie de leur vie maritale et de l'enfance de ma mère.

 
Subversion du verbe incarné en langage structuré, miraculeux modèle d'équilibre venant briser le mystère de l'inconscient, ai-je dit. Mais Myriamm, la gouvernante adventiste de notre résidence, a dégagé pour moi une autre loi. Selon elle, le progrès dans l'histoire n'existe pas, mais au contraire, tout se dégrade, et tout continuera à se dégrader jusqu'à la parousie. La technique pourra progresser, mais ce ne sera que le moyen de hâter l'autodestruction de l'homme, et le Fils de l'Homme viendra pour canaliser cette autodestruction, pour ne pas permettre qu'elle se parachève. Sa Rédemption viendra comme une limite à la dévastation et non après une grande dévastation.

vendredi 24 juillet 2015

Le sentiment océanique


"A l'océan" comme on dit sur toutes les plages de l'Atlantique, l'air apaise trop l’âme pour donner à l’esprit “le sentiment océanique”. A croire que l’air du large ne va pas jusqu’à la “dissolution dans le divin”, en quoi consiste le sentiment océanique si je l’ai bien compris: “Dieu est immanent à l’univers et mon âme est immanente à Dieu”.

 

Freud reconnaissait  ce sentiment, mais le tenait pour une illusion de largeur dans l'homme raisonnable, détenteur d'un inconscient simiesque et plein d'"esprits animaux". L'inconscient freudien n'était pas hypnotique, mais reptilien, et Freud tenait "le sentiment océanique" pour une "illusion", pour ne pas savoir le mettre en musique:freud était insensible à la musique et a été libéré en trouvant le "discours de la méthode" de l'analyse en entendant une patiente lui crier:

"Ne me touchez pas."

Ne me touchez pas, ne me regardez pas, ne m'écoutez pas.

 

En miroir, le "noli me tangere" répondu par le ressucité à la "Madeleine océanique" voulait dire: "Laisse l'être rester insaisissable  et ne le tente pas de se poser dans la paume de ta main."

 

Et maintenant que Jésus relevé de Sa passion a répondu à la patiente de Freud, laissons le passionné de l'inconscient rationnel l'emporter sur les exaltés du "new age": c'est de Patrick amsellem, astrologue sidéral et karmique que j'ai consulté ("déliez-moi, mon Dieu, au Nom du Seigneur Jésus, autant que de besoin, et déliez Nathalie que j'ai poussée dans le piège de l'ésotérisme") que je tiens la promesse que je me dissoudrai dans le divin après avoir fait mon salut par mes réincarnations successives.

 

Je ne suis pas entièrement soluble dans le divin, car mon âme n'en exprime qu'une qualité, une arcane, un thème. Ma personnalité, c'est ma thématique et mon individualité, mon message.

 

Je ne suis pas naturellement soluble dans le divin, car mon âme n'est qu'un point de l'immanence divine. Mais Dieu m'élargit de dissoudre mon âme dissolue. Tout amour est effet d'entraînement, et l'Amour du Seigneur de la tempête apaisée ne m'entraîne que dans la haute mer du large océanique de l'apaisement des os.

vendredi 17 juillet 2015

Qui tient promesse?


Écouté un peu attentivement le seul épisode du forum « le monde le Mans » : « Qui tient promesse ? », diffusé par « France culture » avec lequel j’avais rendez-vous. Y étaient invités des représentants des trois religions monothéistes dont les disputes embrasent le monde… L’intervenant musulman était le plus convaincant. Il ne tombait pas dans la facilité où est tombée Jean-Luc Marion et que j’ai dénoncée à gilles lors de son conflit avec Julien Blaine à la parution de son documentaire : « La poésie s’appelle revient », facilité qui consiste à faire de tous les athées des croyants qui s’ignorent.

 

Rachid Benzine expliquait que la promesse évoluait sur la igne de crête entre menace, programme (deux aspects négatifs) et espérance émancipatrice – ce n’était pas son terme, mais je ne le retrouve pas -. Selon lui, il ne fallait pas tenir un engagement quand celui-ci nous rendait malheureux. IL explicitait donc le conseil évangélique de ne pas faire de serments, moins pour ne pas être parjures que parce que ce n’est pas à notre portée : nous ne sommes pas en capacité de les tenir. De ce fait, on se demande comment le mariage chrétien basé sur le serment, mais aussi bien les vœux religieux, pourraient être d’institution divine.

 

Le checkh expliquait encore qu’on ne se rend pas compte que le langage prophétique, celui-là même qui promet, fait écho à l’idéal, à la destinée subversive de l’homme qui est que sa vie soit plus que sa vie. Qui est donc de renaître, mais à cette différence par rapport à la première naissance que la seconde supose  son assentiment. D’où le fait que l’homme doit se maintenir dans le bonheur deson engagement. Quand, profondément,  le bonheur cesse, l’engagement est caduc. Mais surtout d’où le fait, qui a toujours été mis en avant dans l’explication de la grâce, qu’il n’y a que Dieu qui tient promesse. Encore est-ce inexact, car nombreuses sont les contradictions entre les promesses de Dieu, le seul Fidèle, et Ses revirements.

 

Dieu tient proomesse à un niveau supérieur, moins de nous conduire au paradis, disait le même savant, que de nous faire guider par une Parole. Les musulmans savent définir le Verbe mieux que personne et mieux que nous. C’est d’une infirmière à Lariboisière que j’ai entendu cette définition, qui, selon moi, explique l’engendrement du Fils par le Père et devrait mettre un terme aux querelles sur la filiation divine de Jésus-Christ. « Dieu dit : « Sois et Jésus fut », dirait le Coran d’après cette infirmière. Nulle manière plus expressive de dire que Jésus est « Lumière né de la Lumière ». Et de même pour cette « puissance d’accompagnement » qui nous dessine le paradis sans que nous sachions si nous serons jugés dignes de participer à celui qui est de l’autre côté du miroir, étant presque superflu de savoir si cet au-delà existe. Car, comme le disait un prêtre dans une homélie prononcée lors d’une messe que j’accompagnais, Jésus ne nous dit pas : « Je suis la Résurrection des morts », mais : « Je suis Résurrections et vie. ». Et pourtant Muhamad a eu avec les Meckois les mêmes problèmes que Jésus avec les saducéens : les Meckois ne croyaient pas en la résurrection des morts, et cela paraissait poser un problème particulier à Muhamad. Un problème plus grand qeu l’idolâtrie, alors même qu’Abraham est selon le coran réputé avoir chassé les idoles ? La lutte contre les idoles est le leitmotiv de l’Ancien Testament repris par le coran.  La lutte entre les traditions elohistes et yahvistes, la lutte contre le polythéisme, alors même que le nom d’Allah vient d’Elohim, qui est un pluriel de Dieu, une préfiguration de la trinité, veuj-e croire, en forçant la pensée musulmane come Jean-Luc Marion force celle des athées…

 

Dernière notation importante entendue au cours de cette émission : delphine Horwilleur disait que, pour savoir s’il est fidèle à sa mission, Abraham doit entendre la voix de ses fils…
 

jeudi 18 juin 2015

Le narcissisme maternel


 
Pour les Grecs, sur la mythologie desquels freud a fait son lit, moins pour coucher avec sa mère que pour transmuer le péché originel en « dette collective » dans le déshonneur des parents, et le fratricide en un cannibale parricide de la « horde primitive » en un « repas totémique » qui devait précéder l’émergence de la famille nucléaire avant la ficion de l’atome, pour les Grecs et en particulier pour Sophocle, Jocaste a voulu empêcher Œdipe de chercher à savoir s’il couchait avec sa mère parce qu’elle aimait l’amour qu’ils faisaient ensemble et voulait continuer à l’avoir pour amant.

 

Pour les « écrivains sacrés » de la Bible hébraïque, alors qu’Eve est crée du côté d’adam qui, du fait de ce bilatéralisme psychique et de la gratuité de l’aide qui lui est apportée presque sans qu’il ait rien demandé, s’écrie : « C’est la chair de ma chair ! » en s’émerveillant de la complémentarité d’un être créélatéralement, Eve ne donne pas plus tôt naissance à Caïn qu’elle l’accueille par ces mots : « J’ai acquis un homme ».

 

L’homme n’aidera pas beaucoup la femme qu’il aura sollicitée comme une aide, et la femme que l’homme veut garder donnera tout à l’enfant qu’elle aura acquis comme un prolongement de soi-même, dans un spontanéisme narcissique (le narcissisme est le paradis de ‘linnocence de l’âme) qui, s’il dénotait une immaturité psychique qu’il s’agissait de dépasser aux dires du père de la psychanalyse, le fascinait, raconte René Girard,  quand il le rencontrait chez des femmes naïvement et totalement adonnées à elles-mêmes.

 

Le narcissisme adonné à lui-même de la femme latérale à qui son mari ne donne rien s’abandonne dans la mère à l’enfant qui la prolonge. La générosité prolonge l’acquisition, mais se prolonge en possessivité de la mère abusive, en phase terminale du narcissisme maternel. A l’inverse, la latéralité d’où lui est crée la femme en gage de gratuité se prolonge certes dans la galanterie des relations courtoises, mais ne va pas jusqu’à ce que l’homme se dépense en aide ménagère à sa femme qu’il soutiendrait dans l’émancipation de ses tâches et sa double journée.

 

Pour ma part, c’est de ma mère, via Mme W., que j’ai appris la générosité. Mais c’est de mon père que j’ai appris le goût de la liberté, sinon la libéralité. Quand j’ai compris ce qu’était la générosité, je n’ai pas douté que c’était la plus grande des qualités morales. Mais la liberté élargit de la loi d’où émerge la morale et qu’est censée indiquer le père dans le système du grand Sigmund qui a mangé le sien. La liberté élargit de la loi d’où naît la morale avec la générosité qui brille à son sommet, mais la générosité n’est pas une oblation latérale à un être qui ne nous est de rien. La générosité est un investissement sur soi-même à travers le donataire principal qu’est l’enfant au sein nourri par la pieta.

 

La sucion vorace de l’enfant n’est pas une façon de profiter sans vergogne du lait qu’il tire de sa mère en qui ce lait est monté pour lui : l’enfant retire de sa mère le sentiment de propriété et l’appropriation qu’elle a fait de lui comme un prolongement d’elle-même. L’enfant se tire de cette appropriation en tirant le lait de sa mère. Il se prépare à la décevoir après l’avoir investie pour commencer de s’appartenir en cessant d’être un retour sur investissement à qui l’on donne sans compter pourvu que ce soit toujours à soi qu’on donne, au fruit de ses entrailles ou à son bâton de vieillesse, comme je me suis entendu dire par ma mère que je l’étais pour elle.

samedi 23 mai 2015

Le désir de l'Esprit plutôt que l'espérance du ciel


(méditation avant la pentecôte).

 

 

« Par la foi, je dois croire qu’il y a un enfer ; par l’espérance, je dois espérer ne pas y aller ; et par la charité, je dois souhaiter que personne ne soit damné. » (Xavier Léon-Dufour).

 

Dans l’évangile de ce jour, saint-Jean pinaille avec ses frères, les autres disciples, lui qui se désigne constamment sous ce nom : « l’autre disciple ». Il pinaille sur la différence qui existerait entre ne pas mourir et demeurer. Et si précisément demeurer était autre chose que ne pas mourir ! Demeurer dans la relation avec le Christ Qui est résurrection et vie, qu’on meure ou qu’on ne meure pas, en sorte qu’ »en mourant, on entre dans la vie » et qu’en vivant, on entre dans la mort, mais non pas dans la mort physique : on vit déjà la vie de l’après-mort, on entre, non pas dans le paradis de l’âme si, en étant autoréférentiel, je confirme que ce paradis de l’âme avant la chute était le narcissisme ; mais dans le paradis de la relation qui est la fin de la Création, non pas  entre la vie et la mort, mais entre les vivants et les morts, car entre le Vivant et mon âme ! On entre dans l’animation de sa vie par l’ »esprit vivifiant » (spiritum vivificantem), par le Souffle du ressucité, plutôt que dans l’espérance du ciel, espérance passive par opposition à la manière dont le Christ nous fait la courte échelle entre la terre et le ciel en étant l’échelle de Jacob, et à la manière dont l’Esprit met le ciel par-dessus le toit, en entrant comme un violent coup de vent qui n’a pas besoin de passer par l’échelle bien qu’Il aime l’échelle, mais l’amour n’a pas d’échelle et l’esprit est Amour.

 

Et l’évangile, disait Marguerite Duras, est une « méditation sur le sens du vent », qui ne nie qu’il en ait et n’ouvre à l’insolite que si l’Esprit, en déboussolant tout, en renversant l’échelle, ne met toute chose à sa place, hors du plan. Mais l’imprévisiblité et l’improvisation ne valent dans une vie, sa mise hors plan, sa sortie de l’architecture, que si c’est l’Esprit qui a présidé au processus de Création et de décréation, à la construction de l’Echelle et à son renversement. Tout homme qui a bâti sa maison sur le roc mérite de la voir renversée par le vent. Dans le conte, seule la maison de Nafnaf peut s’effondrer, pas celle de ses frères, pas plus que la maison de celui qui a bâti sur le sable, car il est en relation immédiate avec le vent, et l’Esprit n’est pas l’immédiation, l’Esprit supose une médiation, l’Esprit supppose la médiation de Celui Qui l’envoie et du désir de le recevoir, parce qu’on est le disciple de Celui Qui l’envoie et parce qu’on participe au principe de la Création, en tant que tout fut créé en Celui Dont on est le disciple, en suivant le sens téléologique de la Création et sa finalité. Je participe au principe de la création parce que je suis le disciple de Celui Qui en est la fin.

 

Tout fut créé à l’échelle et pour le Fils, mais non pas pour l’échelle. Tout fut créé selon un plan, mais pour la déplanification. Et seul est digne d’avoir part à la déplanification et d’être « libéré du connu » celui qui respecte les commandements de l’Échelle.

 

 

 

M

 

 

 

 

 

 

jeudi 7 mai 2015

Organisation et contemplation

J’ai du mal à m’organiser, oscillant toujours entre l’idée que tout est indigne del’activité humaine, qui ne se rapporte pas à dieu, la certitude du caractère indispensable de l’organisation en mettan au premier plan la prière que je fais rarement, et mon goût invincible de la diversion et du pas de côté, qui fait que mes journées ne se déroulent presque jamais comme je les avais planifiées. Un jour, j’avais fait part de ces perplexités à un couple de voisins musiciens, dont luiétai chanteur lyrique et elle, une pianiste exceptionnelle. Je leur disais cela come nous parlions de musique amateur. Je leur demandais pourquoi les hommes s’occupaient de musique. Ils sont tombés des nues. J’ai eu deux réponses hier soir, de deux ordres bien différens, moi qui m’étais entndu répondre par Franck à une question que je lui posais, par Franck qui est persuadé que je vis dans un labyrinthe et que je m’entretiens dans le plaisir d’y vivre : « Me poses-tu cette question pour en entendre l’écho en moiou pour avoir une réponse ? » Sous-entendu, moi, Franck, je peux te donner la réponse, parce que je parle avec Dieu et parce qu’IL me répond, mais surtout parce que je conçois la prière et son extension, la conversation, comme un dialogue qui ne doit pas tourner à vide, mais qui doit entrainer, non pas une conversion de la part de celui qui prie, mais une réponse de Dieu. A l’inverse (et je le disais encore à une catéchiste dimanche dernier, à qui je reprochais, dans les partages d’evangile qu’elle organise en vue des messes emmaüs, de trop recentrer les questions qu’elle invite les fidèles à formuler tout haut), je préfère le catéchisme de la question au catéhchisme de la réponse, le catéchisme par questions-réponses n’est qu’une anticipation peureuse de toutes les questions, à supposer qu’on n’en ait oublié aucune, que l’esprit corrosif ou “éveillé” du non croyant pourrait poser à celui qui a la foi. . Franck et moi avons beaucoup pratiqué ce catéchisme de la question, jusqu’à user les catachistes qui y croyaient. Nous mettions tellement la foi cul par-dessus tête pendant les séances de catéchèse auxquelles nous avions l’obligation d’assister, qu’il en fut un, Sandro, qui m’a dit un jour qu’il ne les oublierait jamais, car cela avait conforté son athéisme. Nous avons donc fait des athées bien que nous ayons toujours été, l’un et l’autre, Franck et moi, terriblement croyants. Heureusement que nous avons aussi permis quelques conversions, ou que nous avons filtré, laissé passé la Grâce de la foi pour quelques-uns, Nathalie m’a dit que je l’avais fait “entrer dans la foi”. . OU nous avons donné le désir de la foi. Le plus beau témoignage que j’en ai reçu fut public, publié sur le métablog par un Thierry qui, désignant l’abbé de tanoÜarn, maître des lieux et moi-même, nous demanda : « eh Guillaume, eh Julien, on fait quoi quand on n’a pas la foi ? » Il y a une manière d’organiser sa vie contemplative. Mais d’abord, il faut que je dise à quel point toute activité humaine qui n’a pas dieu pour objet me semble indigne. Cette indignité ne concerne pas que la musique amateur, elle s’étend à toutes les activités de reproduction et a fortiori de critique des chefs-d’œuvre ou des œuvres déjà produites. Tout mon malentendu avec les études et avec l’Université vient de là qu’à mes yeux, rien ne mérite d’être glosé si la culture qui est précisément cette glose, ne prend pas la mesure que gloser est un acte cultuel. Ma question relative à l’roganisation portait sur le rapport au temps. Comment organiser son temps pour bien l’employer tout en ménageant à l’oraison la place qui lui convient ? Je reçois par dame Glycéra, du “forum catholique”, qui ne savait pas que l’organisation m’avait perturbé ce jour, la réponse qu’y apporte François Malaval, aveugle et mystique marseillais du XVIIème siècle qui écrit ceci : « Ainsi la contemplation, pour vous la définir de nouveau, est une présence fixe de Dieu. Je ne dis pas simplement une habitude, car les habitudes se trouvent même dans ceux qui dorment, et pour cela ils ne méritent rien, parlent en rigueur. Ce n'est pas non plus un exercice ordinaire qui ne se fait qu'à certaines heures et en certaines occasions. C'est un acte continuel qui n'est proprement que la multiplication d'un même acte, mais si doucement et si facilement produit par la force de l'habitude, que l'on dirait que ce n'est qu'un acte seul, comme on voit que les yeux produisent une fois le jour une infinité de regards, mais la facilité naturelle de regarder ne semble les rendre qu'un seul regard. Aussi la contemplation est-elle un regard universel de Dieu présent. Je dis un regard, parce qu'elle est un acte de l'entendement qui est l'oeil de l'âme, comme la volonté en est le coeur. Le regard a cela de propre qu'il se fait en un instant, et qu'il sort de l'oeil sans effort, au lieu que la parole ne sort de la bouche qu'une syllabe après l'autre et ne frappe l'oreille qu'après une succession de temps. Le raisonnement de la méditation ressemble à la parole, il se forme d'une pensée après l'autre, et il est toujours dans une espèce de mouvement. La contemplation au contraire ressemble au regard, elle atteint son objet en un instant, et elle se repose dans l'objet, sans discours et sans pensée. Extrait de : Entretien XII (La vie contemplative), La belle ténèbre François Malaval écrit encore : « Il n'y a aucun attribut de Dieu, Philothée, auquel on puisse réduire ce terme ineffable : "Je suis celui qui suis", ou "celui qui est". (...)Il n'y a donc rien, Philothée, qui nous exprime Dieu plus parfaitement et plus noblement que le silence. » La première phrase reprend la théorie de la substance sans attributs (ou théorie des « dénoms » de dieu comme me l’a écrit le Croissant de lune), qui est à la base de la théologie apophatique et du jeu du Coran avec les quatre-vingt dix-neuf attributs de Dieu qui seront à jamais incomplets puisque leur manque le centième. Les musulmans ne veulent pas exprimer le centième attribut de Dieu comme les juifs cachaient le Nom de dieu dans Ashem et dans le saint des saints au Temple de Jérusalem. Quant à nous, les chrétiens, notre Loi se trouve dans un Nom, et ce transfert de la Loi au Nom (de Jésus) est censé nous affranchir, n’était cette ruse sémantique que dans ce « système en équilibre » qu’est la langue, la racine grecque de la Loi, nomos, est une extension du Nom. L’identification de l’expression contemplative de dieu au silence, dans la seconde phrase de françois Malaval que je viens derecopier, est remarquable chez un aveugle qui, si je me prends pour étalon de la cécité, devrait avoir peur du silence. François Malaval déclare presque bienheureux (d’une vision béatifique ?) ceux qui n’ont pas d’Image de Dieu. Naturellement, cela répond presque dérisoirement aux clercs des années 70 qui prétendaient répondre aux maîtres du soupçon qu’ils n’avaient fait le procès que de « caricature de Dieu « - Stann rougier « adorait » reprendre cette formule en boucle -. Mais j’ai aussi été consulter un thérapeute astrologue sidéral et karmique (« déliez-moi, mon dieu ») qui avait interprété un de mes rêves dont Dieudonné (qui travaillait chez nous et a largement contribué à notre déroute) était l’un des acteurs en suggérant que je rêvais de me donner mon dieu et que je ferais bien. Enfin, Jacques Lusseyran, résistant aveugle à qui Jérôme Garsin vient de consacrer une biographie, disait qu’il s’était toujours fait de l’amour « une grande image « et que ça lui avait permis de rencontrer et de toucher la femme avec des yeux multipliés par le nombre de ses doigts, mais jamais la femme qu’il aimait et encore moins l’amour, car l’amour ne peut pas se tailler ou se faire de grande image. « Que Dieu paraît grand, Philothée, écrit François Malaval, à qui le connait sans images, qu'il est ineffable, qu'il est inestimable ! » La contemplation est « une présence fixe de dieu » en qui nous demeurons de toute éternité. Ce qui rejoint la prédication d’Hervé, qui insistait sur cet aspect de l’invitation de Jésus à demeurer en Lui comme Il demeure en nous en disant qu’il ne s’agit pas de nous mettre à demeurer en Lui puisqu’Il demeure déjà en nous. IL ne s’agit pas de demeurer en Lui puisque c’est déjà ffait. Et il ne s’agit pas de nous donner notre Dieu puisque « revenir à Dieu », même pour qui « n’aime pas les déménagements », c’est retourner chez soi. Demeurer en Lui comme Il dmeure en nous, c’est faire un même usage du “comm” que dans “nous aimer les uns les autres comme IL nous a aimés”, sauf que la demeure ou l’assiette paraissent premières, tandis que, pour aimer, il faut accepter le crucifiement. Aimer est crucifiant où demeurer est naturel. Mais qu’Il demeure en nous avant que nous demeurions en LUi, avant que nous prenions la décision de nous unir à Dieu, voilà qui contrarie nos plans, car “le château intérieur” est déjà construit, et nous croyons que l’aventure humainne, que l’aventure mystique, c’est de construire notre demeure, alors qu’il s’agit de demeurer, etde ne pas céder à l’invitation au voyage si nous voulons “partir” pour aller vers nous-mêmes.

vendredi 2 janvier 2015

Du peuple de Dieu (suite)

4. Mais que recouvre encore l'émergence de la conscience du Peuple de dieu, que dis-je, son accession à l'infaillibilité ? Les chrétiens ont eu un mal fou à former des sociétés laïques. Ils ont beau en remontrer à la terre entière à ce sujet, la laïcité ne leur est pas naturelle, car la séparation de l'ordre de César et de celui de Dieu en période d'occupation avait quelque chose de sibyllin. Les sociétés chrétiennes ne se sont jamais faites à la simple idée du corps politique, et que la société était plus qu'une alliance de raison entre des créatures. Chaque fois que les moerus changent, il y a des chrétiens pour agiter les lois non écrites et nous refaire le coup d'"antigone, réveille-toi, ils sont devenus fous… Ils ne croient plus que Thèbes souillée avait raison d'expulser ton père Œdipe hors de la cité. Oh, brave Antigone, toi qui fis bien d'accompagner cette branche pourrie d'Œdipe en son errance, tu es plusa dmirable d'avoir donné une sépulture à ton frère, car l'homminisation commence avec la sépulture bien que le Christ ait dit de laisser les morts enterrer leurs morts, mais ce sont les paradoxes de la civilisation chrétienne…" Antigone est ressortie au moment de la loi sur le mariage gay qui, si le corps social avait été en santé, aurait dû être l'occasion d'une franche rigolade pour ceux qui trouvaient à redire à cet acte civil. "T'as vu, papa ? ON fait tout à l'envers et les messieurs se marient avec les messieurs." Sij'écris cela, c'est que cette partie de rigolade, je l'ai eue avec mon père. C'était il y a trente ans, on se plaçait dans l'hypothèse, que nous croyions fort probable, où le mariage des homos (on disait autrement alors) serait permis et ça nous faisait rire. Nous étions loin d'imaginer que le "mariage pour tous" puisse déclencher une hystérie comme "la manif pour tous" ! De quoi s'agissait-il avec la loi Tobira ? Il s'agissait de savoir si une nation souveraine avait le droit de fixer dans son droit positif des réalités qui dépassaient le biologisme prétendu de la prétendue loi naturelle. A tourner religieusement la question, si l'on partait du principe assez peu "gay friendly" qu'un mariage homosexuel serait "une abomination pour Yahvé", il s'agissait de savoir si la nation, en tant que corps politique, avait le droit comme une personne humaine de jouir de sa liberté alternative ou duelle et de dire qu'elle ne voulait pas se conformer à la loi de dieu. Un corps politique bénéficie-t-il des mêmes prérogatives qu'une personne humaine ? La partie audible de l'Eglise a répondu bruyamment que non. Or tel était le corps politique quand il ne faisait que se prononcer sur son adhésion à une loi, qu'il la croie vraie ou fausse. La politique, croyait l'Eglise, n'était là que pour amoindrir les occasions de pécher. Autant dire que l'Eglise a longtemps cru au "minimum politique". Or voici que le pape fait cette révolution de vouloir accorder au peuple l'infaillibilité, non seulement de sa conscience morale et de sa détermination par rapport à la loi, mais de la détermination de la loi, y compris la lex credendi. Il démocratise jusqu'à la vérité. Je ne dis pas qu'il met la vérité aux voix, car ce n'est pas tout à fait au peuple qu'il accorde l'infaillibilité, c'est au "sensus fidei" du peuple, c'est à son instinct de ce qui est juste au point de vue religieux. Il s'attend que le peuple trouve ou sécrète les formules dont il a besoin pour exprimer le dépôt de la Foi d'une façon évolutive et qui manifestent la croissance interne de la conscience de ce trésor et de ce dépôt. Moi, je suis pour.:Sauf que : a)cette confiance dans le processus immanent de sécrétion par le Peuple de Dieu des propres formules de sa Foi a été très bien décrite par Saint Pie X dans "pascendi", mais pour être condamnée. Saint-Pie X avait merveilleusement compris ce qu'il nommait le modernisme, domage qu'il en ait eu peur ! Si la condamnation du modernisme est levée, le christianisme va enfin pouvoir entrer dans la modernité. Encore faudrait-il le signaler et peut-être le signaler dans une déclaration solennelle. b) Je crois depuis tout gamin dans la démocratie directe et dans la démocratie comme le régime le plus adéquat pour un corps politique, mais non comme direction à doner par avance à ses décisions. Le régime démocratique pourrait donner au peuple l'appétit de faire ce que la démocratie directive ou directionnelle, en tout cas la démocratie de direction le dégoûte de faire. Je suis tellement absolument démocrate par inclination que j'ai mis longtemps à perdre mes écailles et à comprendre qu'on avait raison quand on me disait que la démocratie absolue n'était pas une bonne chose. La démocratie ne va pas jusqu'à cet absolu de pouvoir se prononcer sur le caractère de vérité d'une question. La démocratie ne détermine que son efficience à un moment donné, compte tenu du degré d'adhésion du corps politique, dont la souveraineté se limite à dire ce qu'il veut faire ou ne pas faire, non ce qui est bon ou mauvais. La souveraineté est un abus de langage et ne convient qu'à Dieu. Seul Dieu Est Souverain, car Il est bon et sait ce qui est bon. La démocratie est une sorte de souveraineté morale du peuple sur sa propre morale et non sur toute la morale. c) La papauté avaitconfondu dans une même infaillibilité, à mon avis à la suite d'une erreur de jugement, la Foi et la morale. Après avoir laissé le peuple dans l'infantilité démocratique, l'Eglise consent désormais et tout d'un coup, moins à ce qu'il se détermine sur ce qui est de son ressort, la morale ou sa morale, mais qu'il dise le vrai de la Foi. Elle reste donc frileuse en matière morale et fait faire au peuple sans préparation le grand saut dans l'inconnu de la Foi. Le pape a beau fustiger notre semi pélagianisme, cette révolution des mentalités va lui faire croire que la Foi n'est plus un don de Dieu, mais que c'est le peuple qui se donne la Foi. Il va de là vouloir glisser à la morale et ne pas comprendre que le libéralisme fidéiste n'a pas son équivalent, parce que l'Eglise a peurdde l'inconnu moral, dans un libertarismemoral. Le peuple risque de ne pas avaler cette dernière couleuvre, sans comprendrequ'on ne le fasse pas passer au vote sur les articles de foi ou la discipline éclésiale. Que si on organisait effectivement une vraie synodalité du peuple de Dieu, celle-ci se mettrait en place avant la collégialité des évêques et tandis que le concile de Bâle a été impuissant à faire entendre que le concile l'emportait sur le pape. d) On passe donc directement de l'âge des nations avec leur petite souveraineté morale qui n'a jamais pu se mettre en place à l'âge du peuple, souverain dans sa Foi. Si je l'exprime en termes de peur, ce grand écart n'est-il pas dangereux ? Et peut-on négocier le saut dans l'inconnu de la Foi aussi longtemps que l'Eglise aura peur de la morale ? Peut-on le négocier sans expliquer plus clairement au peuple que la démocratie religieuse n'est pas l'enjeu de ce grand saut, mais seulement l'instinct religieux ? Faute de fournir cette explication, ne doit-on pas redouter que les attentes démocratiques du peuple une nouvelle fois trompées, il n'en soit que plus en clin, après tant de détournements démocratiques, aux captations d'une démocratie détournée à son profit sans que cedétournement soit pllus sain ? Ne doit-on pas craindre que le peuple essaie de capter un pouvoir qu'il devrait avoirau moment où l'on voudrait que les antennes de sa Foi captent le contenu de la Foi ?

jeudi 1 janvier 2015

J'interromps provisoirement la progression que je m'étais proposée pour ce journal idéatif et je publie ce soir une interrogation sur des réseaux de signes ou d'idées avec lesquelles je m'étonne de m'être rencontré. Je sors d'un coup de fil avec Catherine (Benoîte du métablog, soit dit pour l'appareil critique, on ne sait jamais !) Ce qui m'a toujours intéressé dans ma vie est moins d'avoir été éclaboussé par ceux qui participaient aux événements au cœur desquels je me trouvais en position d'observateur, que de comprendre au cœur de quel faisceau de significations je me trouvais et en quoi ce faisceau de significations constituait "en temps réel" ou dans l'histoire immédiate l'épistémè dans laquelle le monde fait sens, de manière à être compris des gens qui en vivent l'histoire. (Je me place ici en contradiction de la citation célèbre ouvrant le livre de guillebaud, La tyrannie du plaisir : "Les sociétés humaines comprennent rarement l'histoire qu'elles vivent.") Dans mon colimateur sensoriel, deux réseaux de signification : 1. Pour avoir lu l'avant-présentation par l'abbé de tanoüarn du prochain livre de Houellebecq, dont c'est peu dire que je ne trouve pas qu'il ait un "style somptueux", je me prends à rêver qu'il ait lu mon blog et ma correspondance avec le Croissant de lune. (Hier soir, pendant ses vœux, Hollande n'a pas promis qu'il irait nous chercher la lune de la Croissance à défaut, comme le voudrait ce dernier, que la France épouse certaines des causes du croissant de lune). Pourquoi Houellebecq aurait-il lu mon blog ou le Croissant de lune - étant entendu qu'on peut être happé par ses propres champs magnétiques dans les mêmes réseaux de signification - ?Pour trois raisons : a) Parce qu'il y prédit exactement ce que le Croissant de lune a toujours affirmé, même si ce n'est pas mot pour mot et si le Croissant n'a jamais donné de date : en 2022, un Président d'origine musulmane viendrait mettre fin à l'alternative du message fort de Marine le Pen et du vide de l'UMPS. La France vindrait construire une union nationale contre le Front national et son nationalisme xénophobe. b) Dans lescénario de Houellebecq, François Bayrou dirigerait le gouvernement d'union nationalede ce Président d'origine musulmane. Le croissant de lune avait voté pour François Bayrou en 2012, le considérant comme à la fois le candidat le moins inamical et le plus économiquement raisonnable au point de vue français. c) Houellebecq prédit tout cela (ou en fait le pari romanesque) depuis le "nihilisme européen". C'est ce qui fait que l'universitaire athée, son héros, va se convertir à l'islam parce que c'est une religion non prospective, la religion la plus simple selon le croissant de lune, ce qui la rendait "la plus con du monde" d'après Houellebecq. L'islam est une religion dont la simplicité cache qu'elle donne un nom au dieu des philosophes, mais passons. Il n'est pas indifférent pour le romancier que grâce à cette conversion le professeur d'université puisse accéder au libertinage légalisé de la polygamie. Une déchéance pour l'abbé de Tanoüarn, commentateur du livre, sous prétexte que l'Occident aurait inventé un amour qui irait "au-delà du désir et de la satisfaction." Je trouve toujours un peu facile qu'on se célèbre en dézinguant les autres. Autocélébration occidentale comme civilisation innervée par la religion de la sublimation. En vis-à-vis, les islamistes s'élèvent des statues au peuple pur contre la décadence des croisés omnivores. Mais Houellebecq parle encore depuis le nihilisme européen parce qu'il en est lui-même un pur produit. Sa vie s'émousse dans la désillusion ou la dénonciation des illusions sans idéal. Le cas Houellebecq est donc symptomatique de ce que le Croissant de lune énonçait dans ce dilemme : "l'islam ou le non sens."Je continue de trouver que ce dilemme est mal posé. L'islam voudrait piquer à la religion du verbe le monopole du sens. Certes, nous n'avons pas ce monopole, autant qu'il est absurde de poser les différences religieuses en termes de monopole. Du moins le Logos se pose-t-il dans le prologue de Saint-Jean, non seulement comme la Parole créatrice, mais comme la Parole qui contient la Raison du monde. Comme la Parole à laquelle serait intérieure la Lumière de la Vie, de "la vie qui était la lumière des hommes." Le drame du Logos et du monde, c'est que le verbe est venu chez les siens et qu'Ils ne l'ont pas reconnu. De sorte qu'aujourd'hui, la Lumière de la vie qui éclairait tout homme venant dans le monde s'est exilée à l'intérieur du Logos non reconnu par le monde. La rédemption du monde consistera en cette reconnaissance. Par où il s'explique que mon correspondant le Croissant de lune préférait parler de "parole efficace" que de "parole créatrice" Et ne croyait pas que l'islam pouvait réconcilier le monde avec le sens de la vie. Il le brandissait seulement comme une alternative à la déréalisation des vies contemporaines et aurait mieux formulé son dilemme en parlant de "l'islam contre le nihilisme". 2. Si jene veux pas perdre mon CAPES, je dois rendre assez rapidement un petit mémoire sur Jeanne d'Arc. J'ai proposé un sujet qui comparerait la parole de Michelet sur la sainte et la représentation qu'en donne Jean-Marie le Pen. Je précise que le croissant de lune vénérait jeanne d'Arc, la sainte de la France, dont il reçut en songe un appel à la conversion auquel il voulait bien répondre à condition que la sainte s'engage à obtenir que la France épouse certaines causes de la nation des musulmans.Le Croissant de lune aimait Jeanne d'Arc comme il aimait Robespierre. Je ne suis pas très avancé dans ce mémoire, mais j'essaie d'en lire lesprolégomènes ou les textes de première main. Pourtout dire, j'en suis à Michelet. Michelet pense que Jeanne d'Arc est une émanation du peuple. Elle aurait permis à la France de réaliser l'imitation de jésus-christ que Michelet considère comme le sursaut contre la fin de l'histoire de l'époque, malgré l'illusion de résignation qui émane de ce livre de vie et de dévotion puissante. Je découvre ce que Michelet pense de Jeanne d'Arc au moment où les populismes constituent les seules propositions politiques un peu fécondantes face aux fatalismes des : "Il n'y a pas d'autre politique possible", qui poussent l'Europe et le monde dans l'austérité générale ou dans ce que le pape François appellerait "la mondialisation de l'indifférence". (Son prédécesseur aimait mieux parler de "la dictature du relativisme". Dans les deux cas, l'hérésie morale est constituée d'un déterminant totalisant et d'un complément de détermination encore plus absolu). Politiquement, Marine le Pen ou Jean-Luc Mélanchon refont du peuple un sujet historique. Pour la première, le peuple se substitue assez sensiblement à ce qu'il signifiait pour son père, un agent de la souveraineté, la souveraineté étant la fin de la nation. De manière générale, la nation tend à cesser d'être le sujet politique majeur au profit du peuple. Jean-Luc Mélanchon conglomère le peuple comme une grande connexion urbaine de besoins à la conquête d'un territoire et de la souveraineté qu'il doit exercer sur ce territoire. C'est ce qu'il appelle "l'ère du peuple", dans la plus pure tradition du Contrat social. Cette constitution du peuple comme entité de hasard rassemblée par une communauté de besoins participe beaucoup de l'impuissance de la proposition mélanchoniste. Il n'y a pas que la personnalité de Mélanchon qui fait écran à notre besoin de vraie gauche, il y a aussi que l'humanisme de hasard au moyen duquel se constituerait le peuple selon lui donne à penser qu'il n'y croit pas. Quand on ajoute à cela que Mélanchon inscrit toute son action politique dans "l'éducation populaire", on conclut que c'est une posture et que Mélanchon est un démagogue. Le pape actuel semble se trouver au point d'intersection romain des Français laïcs Jean-Luc Mélanchon et Marine le Pen. Comme Mélanchon, il paraît être un démagogue. Il paraît miser sur le levier de "la piété populaire" (comme Michelet avec Jeanne d'Arc) dont il adopte les dévotions sans y croire lui-même. Par exemple, il a raconté s'être mis à réciter le rosaire le jour où il a vu quelle déferlante de piété populaire a suscité cette dévotion quand le peuple regardait Jean-Paul II réciter le rosaire à Lourdes. Il ne s'est pas senti intérieurement dans la nécessité de prier le rosaire, il l'a fait par imitation populaire… De même que sa vocation de prêtre a été de seconde main par rapport à un amour qui l'intéressait davantage et dont les versions divergent s'il s'en est détourné pour devenir prêtre ou s'il est devenu prêtre parce que son amour s'est détourné de lui. La vocation de françois manque de racines, ou plonge ses racines dans la piété populaire. Il semble davantage s'être fait prêtre pour un peuple que pour accomplir une destinée individuelle. Rappelons que le cardinal Bergoglio a toujours été un péroniste. Mais voici que son populisme d'Etat deviendrait un populisme d'Eglise. François ne vit pas le concile de la manière naïvement éclésiocentrique dont le vivaient ses prédécesseurs. Mais il fonde les espérances ou les craintes (que je n'avais jamais comprises avant lui) qu'exprimaient partisans et adversaires du concile sur ce point capital que l'Eglise serait devenue "peuple de Dieu". François veut faire du "peuple de Dieu" un sujet religieux comme Marine le Pen veut en faire un sujet politique. Il veut échanger son infaillibilité contre celle du sensus fidei du Peuple de dieu. 3. Que signifient ces changements ? Ce n'est pas tout de les repérer, c'est un peu plus utile de les signaler, mais ce serait encore mieux de les comprendre. Les signes me fascinent, mais je ne comprends pas la langue des signes. Comme nous nous interrogions là-dessus avec benoîte, elle suggéra que cette étape était nécessaire pour rendre son livre d'histoire au Peuple Elu. En temps normal, j'en aurais déduit une ingratitude antijuive qui m'aurait repoussé comme une vierge effarouchée. Pas aujourd'hui. J'entends qu'il nous faut sortir par l'Esprit de l'histoire et rendre l'histoire à ceux qui font l'histoire. Benoîte est persuadée que le temps s'accélère et que l'Eglise a voulu conduire par l'Histoire . les juifs au salut en insérant leur "livre d'histoire" dans le canon des livres du salut. Je ne suis pas marsionite et je crois qu'il existe un lien consubstantiel entre l'Histoire et le salut comme entre la chair et l'Esprit. Mais je reçois l'objection que nous ne nous configurons pas assez à l'universalité des patriarches qui sont autant d'archétypes humains et que tous les personnages de l'Ancien Testament ne présentent pas ce caractère d'universalité. La preuve en est que l'Israël laïque continue l'histoire de l'Israël biblique et est probablement embarquédans une guerre de huit cents ans si la communauté internationale n'y porte pas remède d'une façon ou d'une autre. J'ai aussi la conviction personnelle que les juifs ont investi l'histoire séculière. Le marxisme est un contremessianisme où se réalise la fraternité des juifs avec le genre humain, et le freudisme est un contre-référentiel mythologique, théorique ou doctrinal qui constitue une alternative noachique de réconciliation psychologique, ou de l'individu avec la société, à l'Alliance d'élection monastique que le peuple élu et messianique croit avoir contractée au nom de l'humanité avec le dieu unique, mais qui est la fin de tout homme, et son adhésion personnelle à la vie qui lui fut donnée. Le Christ a introduit dans le monde plus qu'un prolongement de l'histoire d'Israël. Christianisme et judaïsme ne sont pas substituables, comme on le dit pour arrondir les angles du dialogue entre juifs et chrétiens. Nous ne sommes pas ou nous ne sommes plus des judéo-chrétiens.