samedi 21 novembre 2015

La France en guerre?


Vivons-nous une preuve de la loi de l'entropie historique, ou une grande régression historique, aux antipodes de l'hégélianisme triomphant méconnaissant le tragique de l'histoire, à travers les événements traumatiques que la France traverse depuis le 13 novembre ?

 

S'il faut les commenter, ils ne me semblent être que la réplique trop prévisible de la logique d'ingérance dans laquelle l'Occident s'est enfoncé depuis la première guerre du golfe. C'est une chose que je puis me targuer d'avoir prévue, même si je me garderai bien d'avoir ici le prophétisme triomphaliste.Et je ne m'en garderai pas pour faire étalage de bons sentiments. Au contraire, j'ai mauvais esprit et quand j'assistais, à Lisieux, à l'effondrement des tours jumelles, je me suis dit que c'était bien fait pour les Américains, qui étaient châtiés de s'être crus invincibles et d'avoir bâti le Temple du capital qui tombait maintenant comme babel, tout en servant de prétexte à leur future guerre contre Babylone. De même, quand est arrivé Charlie, je ne me suis pas réjoui de la mort des dessinateurs, mais je me suis dit que, si on prétendait à la civilisation comme on nous en rebattait déjà les oreilles, le revers de la civilisation était la responsabilité, et il fallait donc que les dessinateurs, châtouillant des gens qui avaient la kalash facile, assument d'être, le cas échéant, des martyrs du droit au blasphème. Mais devant ces derniers attentats, je ne suis, comme tout mon peuple, que tristesse. Je le suis comme Fatima, qui m'a dit, elle, la femme voilée, que ces terroristes étaient le cancer de l'islam et son cancer personnel.

 

Or on ne soigne pas le mal en redoublant le mal. Personne ne s'est ému que l'adversaire de Marine le Pen dans le Nord pas de Calais, Xavier Bertrand, ait pu parler d'exterminer l'ange exterminateur (au cours de l'interview qu'il a accordée hier matin à Jean-Pierre Elkabbach… Dès le lendemain de ces attentats, tous les politiques invités par Laurent Ruquier à l'exception du front national qui n'avait pas voix au chapitre se sont empressés de dire que nous étions en guerre. Il n'en fallait pas plus pour que Hollande enfourche le cheval de bush en faisant de "la France est en guerre" l'incipit de son discours au congrès de prétendant à la dictature, qui voulait réformer la constitution pour cela, Hollande a trouvé ce dérivatif.

 

Manuel Valls ne tient que par la désignation d'un ennemi de la République en danger, ennemi qui est, tantôt le Front national, tantôt les terroristes islamistes. Ce llicencié en histoire, qui a fait toute sa carrière dans la communication et l'intrigue politique et qui est l'impuissance incarnée au pouvoir, aurait été renversé depuis longtemps s'il n'avait su (pour combien de temps encore ?) liguer tous ses adversaires contre les ennemis qu'il leurprésentait comme un os à ronger. Or ces adversaires chienchiens étaient aussi bien les frondeurs de sa majorité que les cathos de "la manif pour tous" ou que les jeunes de la mouvance dieudonno-soralienne. Je lui donais six mois, Charlie a été son sursit.

 

Quant à Hollande, le petit garçon qui bafouille en annonnant les discours qu'on a peut-être écrits pour lui et qu'on sent régulièrement assailli de douleurs arthriques à moins qu'il ait mal aux reins, il ne pouvait exister que comme dérisoire chef de guerre s'écriant que l'accueil qu'il avait reçu au Mali était "le plus beau jour de sa vie politique". Il présente à la tête de l'Etat un curieux composé de Guy MOllet et de George bush junior. Il nous refait le coup de "la pacification" de "la barbarie" par les "races supérieures" civilisatrices. Ce n'est pas pour rien que sa visite au Panthéon a été l'inauguration d'une statue de Jules Ferry.

 

Mais rien de ce qu'il dit n'a un caractère opératoire. Par exemple (et c'est plutôt rassurant), ce n'est pas parce qu'il dit que "la France est en guerre" qu'elle l'est en effet. Lors de la guerre d'Algérie, les gouvernants ne se sont pas précipités pour parler de guerre. On ne parlait que d'"événements" alors qu'on faisait face à une guerre réelle. Aujourd'hui, on parle de guerre parce qu'on n'a affaire qu'à des événements.On sait depuis 2001 que "la guerre contre le terrorisme" est un monstre conceptuel, puisqu'on ne peut pas faire la guerre à un ennemi par nature indéterminé, donc indéfini et donc infini. C'est une guerre ingagnable, imperdable aussi en un sens, mais plus ingagnable qu'imperdable, surtout quand on sait d'où on vient, nous qui avons le culte de la résistance, alors que les résistants étaient désignés comme des terroristes par les nazis.

 

Ces crimes en série d'une ampleur exceptionnelle devraient être traités de manière événementielle parce  que ce sont des événements. Ce sont des faits divers à grande échelle, et une recrudescence de la criminalité à effet mondial desquels on prend prétexte pour feindre d'ordonner une mobilisation générale pour garantir  l'immobilité des peuples exaspérés. Les sociétés dirigées par une administration en roue libre et par une finance qui en exige l'austérité pourraient se rebiffer. On les berce d'une bonne guerre qu'ils n'auront pas à faire pour que les populations non enrôlées se tiennent tranquilles.

 

La preuve que rien de ce que dit Hollande n'a un caractère opératoire peut être tirée de l'analyse de la première décision qu'il a annoncée, le soir même de ces attentats. "sur ma décision, tenait-il à préciser, les frontières seront fermées." Le Président prenant la douane de court, celle-ci fit observer que ce n'était pas possible sans un peu de préparation. Un quart d'heure plus tard, l'Elysée corrigeait Hollande : les frontières n'étaient pas fermées, mais on rétablissait le contrôle aux frontières. Encore un quart d'heure plus tard, on se souvenait que ce contrôle aux frontières était déjà rétabli depuis le jour même en vue de la conférence où les chefs d'Etat se réuniraient à Paris en croyant, tels des rois primitifs et préhistoriques, avoir prise sur la météo. Donc Hollande n'avait pris aucune décision et eût-il décidé de fermer les frontières, c'était en notoire incohérence avec la manière dont il les avait ouvertes toutes grandes pour accueillir "les migrants", volant comme des oiseaux perdus depuis la sirie en feu. Hollande a depuis tenu, dans son discours au congrès, à ce que le contrôle aux frontières ne contrarie pas le mouvement des réfugiés. Or tout indique qu'il faut faire une pause migratoire si l'on veut retricoter le lien social et si l'on veut que tous ceux qui sont là, nationaux ou étrangers, soient encore intégrés dans la société qui se défait à vue d'œil sous l'effet d'un paupérisme organisé ou endémique. Qui aurait osé murmurer contre l'afflux récent des migrants ou supposer que des islamistes pouvaient se mêler à ces migrants, aurait été accuser d'inhumanité ou d'obscurantisme xénophobe. A présent, nous savons que deux réfugiés siriens, y compris deux djihadistes partis et revenus de Sirie malgré un mandat d'arrêt international, étaient mêlés aux terroristes.

 

Jamais je ne dirai comme Aymeric Chauprade qu'il faut liquider les djihadistes qui sont partis en sirie. Jamais non plus il ne me viendrait comme à Valls l'idée d'empêcher quelqu'un qui a une cause à défendre d'aller la défendre. Il était contraire à toutes les libertés de criminaliser le départ des djihadistes, mais on pouvait criminaliser leur retour. Non seulement on ne l'a pas fait, et les djihadistes sur le retour sont passés dans les trous de la passoire au lieu de passer à travers les mailles du filet des services de renseignement pris à contre-pied ; mais encore, les "musulmans du quotidien" se demandent avec anxiété s'ils ne vont pas être pris dans  l'amalgame. On peut les rassurer en disant qu'on n'amalgame aux terroristes que les jeunes à la casquette à l'envers, que les jeunes de cité, que les jeunes de la petite délinquance avec ce vivier de la grande délinquance et de la grande criminalité dans lequel puise Daesh.Mais surtout on peut se demander pourquoi le gouvernement a l'air de n'interdire à cette petite délinquance que de devenir djihadiste. Tant qu'elle trafique dans l'économie informelle, on lui promet l'impunité. Mais qu'elle devienne djihadiste, on l'exclut de l'humanité. La dernière trouvaille est qu'il ne saurait y avoir de guerre de civilisations puisque nous serions les seuls civilisés et qu'en face de nous, il n'y aurait que des barbares. On a oublié que, selon Claude Lévi-Strauss, le barbare est celui qui croit en la barbarie. Nous, on "kife la life" quand les autres ne seraient que dans la pulsion de mort. La psychanalyse nous avait appris "l'ambivalence des sentiments" et des pulsions, nous voilà univoquément dans le bien face à "l'axe du mal".

 

"tous les malheureux ne sont pas méchants, mais tous les méchants ont été malheureux". Ceux qui détruisent ont commencé par souffrir avant de vouloir détruire. Il reste que détruire paraît la seul raison d'être de l'islamisme violent. Le problème de l'islam est qu'il conçoit des sociétés harmonieuses solubles dans la loi et que cela est incompatible avec la condition humaine, qui est radicalement sans solution.

 

Qu'est-ce enfin que daesh ? dans un livre tout à fait "grand public" paru il y a une dizaine d'années, Antoine sfeir, le neveu franc-maçon de l'ancien patriarche maronite,  expliquait que les Américains comptaient organiser "un grand Moyen-Orient" au moyen d'Etats confessionnellement homogènes, construits sur la ruine d'Etats come le Liban et la Sirie, subjugués par des organisations paramilitaires financées par la CIA. Comme le Hamas a été originairement une création d'Israël, comme benladen fut une créature des Américains, Daesh et son kalif seraient des pions qui, soit auraient dépassé les souhaits de leur donneur d'ordre, soit se comporteraient en agents d'un désordre mondial, qui garantit l'hégémonie des puissants du jour par une forme inédite de guerre mondiale. La guerre contre daesh n'aurait donc pas pour but de détruire l'enclave, mais de s'assurer qu'elle ne gagnera de terrain que dans la mesure fixée, tout en garantissant à l'intérieur des puissance belligérentes, la stabilité des sociétés en crise.

 

Méditations barthésiennes


Envie de lire, envie d'écrire, avec ce paradoxe qu'on écrit pour fixer sa pensée et au hasard de ses envies, pour surprendre dans quel ordre surgissent ces envies d'écrire et si cet ordre est moral.

 

Kevin a téléphoné à Nathalie, c'est ce qu'elle attendait depuis neuf ans.

 

Je suis tranquille, j'ai commencé par là, j'aime Nathalie.

 

Mais je suis en train de lire Virginia Wollf et son roman les vagues, que je trouve nettement supérieur à la promenade au phare, que Pierre bourdieu a préféré commenter.

 

Il y a une irrisation esthétique qui s'étend comme une gerbe (j'emprunte le mot à Virginia), d'elle à Nathalie Sarraute, ou encore à Proust et à falkner.

 

Que pouvait penser la Nathalie Sarraute de l'ère du soupçon des Vagues de Virginia Woolf, sachant qu'elle détestait que le romancier typifie des personnages, et que les vagues ne sont que l'expérience littéraire d'une typification poussée jusqu'à son terme ?

 

Parmi les types proposés par Virginia Wollf dans les vagues, c'est dans Bernard que je me reconnais. "J'invoque Bernard", je suis Bernard. Je pourrais m'identifier à Louis parce qu'il a "une pyramide sur les épaules", et Nathalie m'a dit souvent que j'avais un rocher sur les épaules. Mais non, je ne comprends rien aux pyramides.  L'Egypte ne m'a jamais faxsciné. Je mourrai comme bernard en regrettant de ne pas avoir lu les védas.

 

Virginia Woolf annonce Falkner parce qu'elle parle d'un poème sans ponctuation.

 

Elle me renvoie aussi à ce que les gardiennes de la maison de la petite Thérèse aux buissonnets me disaient, coomme j'étais en visite à Lisieux aux alentours du 11 septembre en pensant à ma cousine Nathalie qui rêvait de "réaliser ses yeux" : un seul livre suffit. Les gardiennes des buissonnets ne se lassaient pas de relire sainte-thérèse et d'avoir les manuscrits de Sainte-thérèse pour unique livre de chevet. Les manuscrits autobiographiques ayant servi à la récollection de l'histoire d'une âme leur paraissait le seul livre digne de mériter une exégèse. Je ne peux me résoudre à ce que la Bible ne soit pas le seul livre à mériter l'effort exégétique, et c'est pourquoi je m'en prends à la culture dont j'accuse l'arbitraire, cependant que je ne supporte pas que l'on concilie foi et mythologie.

 

Je me réjouis de pouvoir lire des Virginia et des Nathalie(s), ces prénoms si beaux.

 

Je me dis que le type dans lequel se retrouverait Nathalie, ma cousine,  dans les vagues de Virginia woolf serait roda qui a fini par haïr les hommes dont les paroles interrompaient ses pensées et parce que les voir si sûrs d'eux dénonçait son décalage.

 

Je me dis aussi que l'auteur des mythologies, Roland barthes, a subverti notre perception du Logos en incarnant le Verbe, non dans un corps, mais dans un langage, à la structuration duquel serait configuré ou métaphoriquement analogué notre inconscient, dont le mystère vient se perdre dans ce faux équilibre du "système en équilibre" que se croit la langue, pensée par les linguistes comme une balance bien régléeentre règles et variations. Le Verbe incarné dans le langage résout le déterminisme de l'écriture, mais ne résout que cela.

 

Dans Les vagues de virginia Woolf, Louis ne se console pas d'avoir "une dissonance à résoudre, une erreur à corriger", et se prépare à vieillir en frappant de sa canne à pommeau les pavés de sa cité. Je me suis souvent dit que l'essence de l'harmonie était de démontrer que rien ne pouvait se résoudre, comme l'essence de l'écriture est de montrer que rien n'est plus déterminé que le génie. Le génie est le refuge du génitif, du complément de détermination, et la preuve que la création se fait par imitation, selon l'idée d'Alain, qui oppose la liberté à la voie de l'imitation.

 

Sur Alain,l'incandescence est l'état naturel de ce grand timide.

 

J'ai écrit à alain qu'il ne pouvait se faire à mon narcissisme, mais mon narcissisme est plein de visages.

 

Tout à l'heure, me suis entretenu successivement avec Agnès et N.t., et j'ai préféré l'entretien avec Agnès, parce qu'entre nous, il y avait une vraie relation. De quoi me demander si F. carrigère n'a pas tout de même raison de postuler que l'homme est relationnel. Les égolâtres ont établi paradoxalement que la relation subsume l'individu, qui ne se justifie pas sans elle. La primauté accordée au langage sur le corps s'explique dans la logique relationnelle, dont procède l'insertion du Logos dans un "système" trinitaire, mais non pas en tant que verbe et que verbe incarné.

 

Hier, Maryse m'a déboussolé en me soumettant une interprétation assez curieuse du refus du "filioque" par les orthodoxes.Pour elle, que l'Esprit ne procède pas du Fils voudrait dire qu'à supposer qu'il y ait pluralité des mondes habités, il y aurait un christ différent par espèce à sauver, et le Christ que nous adorons n'est en effet que "le Fils de l'homme". J'ai voulu lui opposer Steiner pour rester dans son monderéférentiel, mais elle avait prévenu mon objection en disant qu'elle s'opposait à lui sur ce point comme sur bien d'autres. Je me suis rabattu sur l'argument qu'à supposer qu'il y ait autant de figures incarnées que d'espèces à sauver, il n'en demeurerait pas moins qu'unique serait le processus de christification, au terme duquel l'Esprit procède bel et bien du Père et du fils, dans la mesure où ce n'est rien d'autre que leur Amour qui plane sur tout ce qu'ils ont l'intention de créer.

 

Il y a toi, il y a moi, et il y a la relation, dit-on aux amoureux. Ca paraît absurde, et pourtant c'est au fondement du "système trinitaire".C'est aussi ce qui permet de dire qu'il n'existe jamais si grand narcissisme qui ne soit à base relationnelle, soit qu'il ait besoin de relations pour se montrer comme narcissisme, soit que des êtres en relation avec le narcissique le justifient en l'idéalisant, parce qu'il vit sans sublimation au paradis retrouvé de l'âme, innocente d'être nue.

 

En quoi l'Esprit procède bien du Père et du Fils me paraît beaucoup moins difficile à concevoir que l'association par laquelle le Verbe est Fils.

 

Pourtant, ce matin, je me suis senti fils, je ne sais pas pourquoi. Je me suis dit que je vivais ces choses en tant que fils. et cela m'a ramené à ce rêve où j'ai entendu la voix de ma grand-mère maternelle que je n'ai jamais connue. Je ne l'ai pas à vrai dire entendue, mais je l'ai imaginée. Nous revenions d'un enterrement avec Nathalie, ma mère et Théodor, mon grand-père, de qui je dois rêver une fois tous les dix ans. Et là, chez ma mère, en prenant l'apéritif, nous regardons un film super 8 (mettons que ce soit un film super 8), où l'on voyait comment Théodor s'était lancé à la conquête de ma grand-mère maternelle, une grande dame, vers laquelle son avion, progressivement,fondait. D'abord elle ne le voyait pas ; puis elle perdait son premier mari auquel Théodor l'enlevait. A ce moment, gilles a surgi. Il était important qu'il surgisse puisque ce documentlui était destiné. C'est lui, l'archiviste de la famille, lui qui s'intéresse aux documents. Mais c'était pour moi que dans le film, on entendait la voix de la conquête de mon grand-père, voix qui toujours le surplombait, tandis qu'il s'affairait autour d'elle, perpétuant son engagement jusqu'à lui survivre, et le perpétuant dans l'appartement même au couloir longiligne qui avait été le cadre de la deuxième partie de leur vie maritale et de l'enfance de ma mère.

 
Subversion du verbe incarné en langage structuré, miraculeux modèle d'équilibre venant briser le mystère de l'inconscient, ai-je dit. Mais Myriamm, la gouvernante adventiste de notre résidence, a dégagé pour moi une autre loi. Selon elle, le progrès dans l'histoire n'existe pas, mais au contraire, tout se dégrade, et tout continuera à se dégrader jusqu'à la parousie. La technique pourra progresser, mais ce ne sera que le moyen de hâter l'autodestruction de l'homme, et le Fils de l'Homme viendra pour canaliser cette autodestruction, pour ne pas permettre qu'elle se parachève. Sa Rédemption viendra comme une limite à la dévastation et non après une grande dévastation.